Sujet: ORLANDO PALADINO HobXXVIII.11 Mar 21 Aoû - 17:21
Orlando Paladino est un drame éroïcomique composé par Joseph Haydn en 1782 sur un livret de Nunziato Porta d'après l'Arioste. Les circonstances de sa composition et de sa représentation ainsi qu'une analyse musicale détaillée ont été exposées par Marc Vignal (1988). Il n'est pas besoin d'y revenir ici. Voici quelques commentaires personnels sur ce chef-d'oeuvre.
Synopsis. Les amours d'Angelica, reine de Cathay, et de Medoro sont troublés par le Paladin Orlando. Ce dernier, accompagné de son écuyer Pasquale, poursuit frénétiquement Angelica qu'il veut épouser et Medoro qu'il veut tuer. Affolés, les deux amoureux sont obligés de s'enfuir vers un lieu secret. Pasquale, serviteur poltron et vantard, fait la cour à la bergère Eurilla tandis que Rodomonte, roi de Barbarie, ajoute à la confusion générale avec ses gesticulations belliqueuses. La magicienne Alcina, sorte de "Deus ex Machina" qui veille au bonheur des amoureux finit par précipiter Orlando dans une grotte profonde où le nocher des enfers, Carone, guérit le paladin avec quelques gouttes du fleuve Léthé. Orlando est libéré de ses obsessions: son amour insensé pour Angelica et son désir de vengeance à l'encontre de Medoro. Alors les deux couples Angelica, Medoro et Pasquale, Eurilla peuvent s'unir en toute sérénité.
Le Style. Ce livret fournit une trame dramatique apte à exprimer les sentiments les plus divers et permit à J. Haydn de composer une musique admirable d'une richesse, d'une variété et d'une audace harmonique époustouflantes. Les ensembles qui terminent les trois actes sont d'une puissance et d'une variété inusitées à l'époque de la composition d'Orlando. Celui qui conclut le 2ème acte est sans doute le plus riche musicalement. Il est particulièrement remarquable par des changements subits de rythme et de tonalité dont l'impact dramatique est impressionnant. L'analogie du début de ce finale avec un passage de la Flûte enchantée a déja été mentionnée (Vignal, 1988). Un passage magnifique figure dans le sextuor "Per quest'orridi sentieri..." avec de splendides modulations préromantiques. Dans l'ensemble final "A poco a poco..." tous les protagonistes sauf Orlando interviennent, il débute piano et termine fortissimo au terme d'un impressionnant crescendo.
Les personnages. Angelica est le pivot de l'oeuvre. Avec cinq airs splendides, plusieurs récitatifs accompagnés, deux duos d'amour avec Medoro et sa participation permanente aux ensembles qui concluent les trois actes, elle monopolise la scène. Les sentiments d'Angelica expriment: l'inquiétude dans le premier air "Palpita ad ogni istante...", l'amour pour Medoro dans l'air "Non partir, mia bella face...", une profonde angoisse "Sento nel seno, oh dio...", la résignation dans le sublime quatrième air "Aure chete...". Le tempo est généralement lent mais trois airs possèdent une deuxième partie plus rapide aux vocalises périlleuses demandant une grande agilité vocale. On a comparé Medoro, personnage un peu falot, à Don Ottavio. Il possède deux beaux airs. Dans le premier "Parto, ma, oh dio, non posso...", on note l'audace de l'harmonie sur les paroles "Povero cor, t'intendo..."qui fugitivement fait penser à...Pelléas! La véritable trouvaille de l'opéra est le personnage de Pasquale, écuyer d'Orlando dont la relation avec son maitre évoque celle de Leporello avec Don Giovanni, il forme avec Eurilla un couple comique très séduisant, notamment dans le célèbre duo "Quel tuo visetto amabile..." qui connut, sorti de son contexte, un grand succès à Londres en 1795. Pasquale chante deux airs: le premier est du type catalogue et décrit les pays parcourus en compagnie d'Orlando. Le débit ultrarapide de Pasquale dans cette énumération est d'un comique très efficace.. Dans le deuxième air tout aussi irresistible, Pasquale décrit a Eurilla sa manière de jouer du violon avec, à l'orchestre, la démonstration de toutes les figures musicales évoquées dans le texte: trilles, syncopes, triolets, staccatto, gruppetto etc...Cet air appartient à un genre brillamment illustré par Cimarosa (Maestro di cappella), Fioravanti (Le Cantrice Villane)...
Discographie. La version Antal Dorati de ce chef-d'oeuvre est en tous points digne d'éloge avec une mention particulière pour Arleen Auger (Angelica) dont la voix est d'une purété admirable et dont les vocalises et notes piquées ont une sonorité cristalline. Domenico Trimarchi (Pasquale) nous ravit par sa merveilleuse voix de baryton basse et son humour décapant. Je ne connais pas la version Harnoncourt dont la critique a dit le plus grand bien.
Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988. Karl Geiringer, Une aventure héroïcomique, Orlando Paladino, Philips Classics, 1993.
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Haydn Administrateur
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Sujet: Re: ORLANDO PALADINO HobXXVIII.11 Jeu 23 Aoû - 19:53
Piero1809 a écrit:
Orlando Paladino est un drame éroïcomique composé par Joseph Haydn en 1782 sur un livret de Nunziato Porta d'après l'Arioste. Les circonstances de sa composition et de sa représentation ainsi qu'une analyse musicale détaillée ont été exposées par Marc Vignal (1988). Il n'est pas besoin d'y revenir ici. Voici quelques commentaires personnels sur ce chef-d'oeuvre.
Synopsis. Les amours d'Angelica, reine de Cathay, et de Medoro sont troublés par le Paladin Orlando. Ce dernier, accompagné de son écuyer Pasquale, poursuit frénétiquement Angelica qu'il veut épouser et Medoro qu'il veut tuer. Affolés, les deux amoureux sont obligés de s'enfuir vers un lieu secret. Pasquale, serviteur poltron et vantard, fait la cour à la bergère Eurilla tandis que Rodomonte, roi de Barbarie, ajoute à la confusion générale avec ses gesticulations belliqueuses. La magicienne Alcina, sorte de "Deus ex Machina" qui veille au bonheur des amoureux finit par précipiter Orlando dans une grotte profonde où le nocher des enfers, Carone, guérit le paladin avec quelques gouttes du fleuve Léthé. Orlando est libéré de ses obsessions: son amour insensé pour Angelica et son désir de vengeance à l'encontre de Medoro. Alors les deux couples Angelica, Medoro et Pasquale, Eurilla peuvent s'unir en toute sérénité.
Ce livret fournit une trame dramatique apte à exprimer les sentiments les plus divers et permit à J. Haydn de composer une musique admirable d'une richesse, d'une variété et d'une audace harmonique époustouflantes.
Angelica est le pivot de l'oeuvre. Avec cinq airs splendides, plusieurs récitatifs accompagnés, deux duos d'amour avec Medoro et sa participation permanente aux ensembles qui concluent les trois actes, elle monopolise la scène. Les sentiments d'Angelica expriment: l'inquiétude dans le premier air "Palpita ad ogni istante...", l'amour pour Medoro dans l'air "Non partir, mia bella face...", une profonde angoisse "Sento nel seno, oh dio...", la résignation dans le sublime quatrième air "Aure chete...". Le tempo est généralement lent mais trois airs possèdent une deuxième partie plus rapide aux vocalises périlleuses demandant une grande agilité vocale.
On a comparé Medoro, personnage un peu falot, à Don Ottavio. Il possède deux beaux airs. Dans le premier "Parto, ma, oh dio, non posso...", on note l'audace de l'harmonie sur les paroles "Povero cor, t'intendo..."qui fugitivement fait penser à...Pelléas!
La véritable trouvaille de l'opéra est le personnage de Pasquale, écuyer d'Orlando dont la relation avec son maitre évoque celle de Leporello avec Don Giovanni, il forme avec Eurilla un couple comique très séduisant, notamment dans le célèbre duo "Quel tuo visetto amabile..." qui connut, sorti de son contexte, un grand succès à Londres en 1795. Pasquale chante deux airs: le premier est du type catalogue et décrit les pays parcourus en compagnie d'Orlando. Le débit ultrarapide de Pasquale dans cette énumération est d'un comique très efficace.. Dans le deuxième air tout aussi irresistible, Pasquale décrit a Eurilla sa manière de jouer du violon avec, à l'orchestre, la démonstration de toutes les figures musicales évoquées dans le texte: trilles, syncopes, triolets, staccatto, gruppetto etc...Cet air appartient à un genre brillamment illustré par Cimarosa (Maestro di cappella), Fioravanti (Le Cantrice Villane)...
Les ensembles qui terminent les trois actes sont d'une puissance et d'une variété inusitées à l'époque de la composition d'Orlando. Celui qui conclut le 2ème acte est sans doute le plus riche musicalement. Il est particulièrement remarquable par des changements subits de rythme et de tonalité dont l'impact dramatique est impressionnant. L'analogie du début de ce finale avec un passage de la Flûte enchantée a déja été mentionnée (Vignal, 1988). Un passage magnifique figure dans le sextuor "Per quest'orridi sentieri..." avec de splendides modulations préromantiques. Dans l'ensemble final "A poco a poco..." tous les protagonistes sauf Orlando interviennent, il débute piano et termine fortissimo au terme d'un impressionnant crescendo.
La version Antal Dorati de ce chef-d'oeuvre est en tous points digne d'éloge avec une mention particulière pour Arleen Auger (Angelica) dont la voix est d'une purété admirable et dont les vocalises et notes piquées ont une sonorité cristalline. Domenico Trimarchi (Pasquale) nous ravit par sa merveilleuse voix de baryton basse et son humour décapant. Je ne connais pas la version Harnoncourt dont la critique a dit le plus grand bien.
Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988. Karl Geiringer, Une aventure héroïcomique, Orlando Paladino, Philips Classics, 1993.
Cet Opéra est excellent, à écouter absoluement ! Effectivement vous avez la Version de Dorati mais il a aussi celle de N.H.
Marc Vignal a fait dans le Monde de la Musique Juin 2006 une critique de la version Harnoncourt d'Orlando Paladino.
La critique est globalement bonne, à une réserve importante près. Pour ne pas dépasser deux CD Harnoncourt procède à des coupures importantes: les récitatifs secco sont abrégés largement mais plus grave des coupures sont effectuées dans les finales des actes I et II. Cette faute est impardonnable, ces finales contenant la musique la plus intéressante, elle disqualifie, à mon humble avis, cette version.
Conclusion, si vos moyens vous le permettent, achetez la vesion Dorati, sinon, attendez la parution du deuxième volume de l'intégrale Haydn.
Sujet: Re: ORLANDO PALADINO HobXXVIII.11 Jeu 28 Mai - 22:27
J'espère que cette soirée mémorable animée par René Jacobs dont on connait l'enthousiasme et la compétence, donnera naissance à un DVD qui viendra enrichir une discographie trop limitée. Bonne soirée
Sujet: Re: ORLANDO PALADINO HobXXVIII.11 Jeu 24 Nov - 15:49
Joseph Haydn: Orlando Paladino Opéra en 3 actes de Joseph Haydn Direction musicale : René Jacobs Mise en scène Nigel Lowery, Amir Hosseinpour. Avec : Marlis Petersen. (Angelica), Pietro Spagnoli (Rodomonte), Tom Randle (Orlando), Magnus Staveland (Medoro), Sunhae Im (Eurilla), Victor Torres (Pasquale), Alexandrina Pendatchanska. (Alcina), Arttu Kataja (Caronte / Licone). Réalisation : Andreas Morell. Coproduction : ARTE, Opéra de Berlin Unter den Linden, Festival de musique ancienne d’Innsbruck. Opéra enregistré le 8 mai 2009 à l’Opéra de Berlin
Nous ne reviendrons pas ici sur l'oeuvre. Celle ci a été décrite dans le le message liminaire du sujet. On a aussi parlé de l'enregistrement d'Antal Dorati en insistant sur la qualité exceptionnelle des interprètes. Avec cette nouvelle production nous avons un spectacle en plus, avec une mise en scène audacieuse et déjantée. L'action se déroule en principe dans un moyen âge mythique inspiré de Orlando furioso de Lodovico Ariosto mais en fait se tient dans un univers imaginaire mélangeant allègrement les références médiévales (château fort, costume d'Orlando de chevalier en armure), le dix neuvième siècle avec Medoro, l'antiquité grecque avec Caronte. Rodomonte roi de Barbarie est vêtu en pirate barbaresque comme il se doit. L'affreux Duffle coat de Pasquale fait écho à une tenue également laide de la bergère Eurilla. Angelica habillée sobrement de noir pendant les deux premiers actes, apparaît dans une tenue suprêmement kitsch à la fin (miss Univers ou poupée Barbie?). La fée Alcina a la tenue intemporelle de sa fonction. Le mythe de l'Arioste est transposé dans le monde d'Alice au pays des merveilles en somme.
Comme il s'agit d'un Drame héroï-comique, Haydn a soigneusement dosé les personnages bouffes: Eurilla, Pasquale, Rodomonte et sérieux Angelica, Medoro, Orlando. Dans la mise en scène de Lowery et Hosseinpour, les différences s'estompent et on devrait plutôt distinguer des scènes à dominance comique et des scènes plus tragiques, le tout enrobé d'un fond burlesque. La folie d'Orlando imprègne la scène et un inquiétant personnage, reflet hermaphrodite d'Orlando, rode sans arrêt dans les bois de sapins. Cette folie semble contagieuse, après avoir envahi Rodomonte, elle semble gagner Angelica et les autres protagonistes. L'épidémie cesse suite à la guérison d'Orlando par quelques gouttes du fleuve Lethé. Un énorme ciseau apparait plusieurs fois, parfois il flotte dans l'air, s'agit-il de la Parque Atropos coupant impitoyablement le fil qui mesure la durée de la vie des mortels? A la fin c'est le décor qui étant coupé s'effondre sur la scène.
René Jacobs prend quelques libertés avec la musique. Le charmant duetto Eurilla Pasquale Quel tuo visetto amabile de l’acte II qui devait connaître un grand succès à Londres en 1795 est agrémenté à la fin par une abondante batterie qui l’alourdit inutilement. Un grand duo d'amour entre Medoro et Angelica situé à l'acte II apparaîtra au troisième acte dans une version abrégée. Juste avant le choeur final, Jacobs donne à la fée Alcina un air non présent dans le livret qui n'est autre que le grand air de Flaminia dans Il Mondo della Luna, aria magnifique avec vocalises napolitaines. Ces modifications en somme mineures n'altèrent en rien le souffle créatif qui anime la partition.
Les interprètes sont tous excellents, aucune fausse note. Angelica avec cinq airs monopolise la scène et on ne s'en plaint pas car elle est aussi à l'aise dans le rendu de l'émotion que dans la virtuosité vocale (spectaculaire aria du 3ème acte). Orlando m'a particulièrement impressionné, il donne une interprétation quasi clinique de la folie avoisinant parfois le délire. Sa guérison s'accompagne d'un spectaculaire changement physique dont je laisse la surprise. Alcina n'a pas un très grand rôle mais l'a tenu avec une présence tout à fait lumineuse, elle a chanté avec enthousiasme le grand air tiré d'Il Mondo della Luna. Eurilla et Pasquale, d'une redoutable efficacité comique étaient aussi excellents mais ne me font pas oublier, au plan vocal, Elly Ameling et surtout le formidable Domenico Trimarchi, baryton de la version Dorati auquel il faudra un jour rendre hommage. Très bonne prestation de Caronte et de Rodomonte.
Dernière édition par Piero1809 le Dim 22 Fév - 10:51, édité 6 fois
Sujet: Re: ORLANDO PALADINO HobXXVIII.11 Lun 26 Mar - 22:04
La représentation d'Orlando Paladino au Châtelet s'est soldée par un grand succès. On espère que ce spectacle sera représenté dans d'autres villes ou donnera lieu à un DVD.
On peut lire un compte rendu détaillé avec de nombreuses photos de cette production dans:
Il s'agit d'une mise en scène un peu écourtée du chef-d'oeuvre de Joseph Haydn, le spectacle dure un peu plus de 2heures au lieu des 2h 48 de la version Dorati. Les récitatifs secs ont été coupés et quelques airs ont été raccourcis. Comme on le lira dans le lien ci-dessus, il s'agit d'un spectacle remarquable qui renouvelle le mythe d'Orlando furioso.
Sujet: Re: ORLANDO PALADINO HobXXVIII.11 Sam 21 Fév - 22:19
Voici un extrait d'Orlando paladino monté au théâtre du Chatelet avec une mise en scène de Kamel Ouali, scénographie déjantée de Nicolas Buffe et la direction musicale de Jean Christophe Spinosi. Duetto Eurilla/ Pasquale Raquel Camarinha/ Bruno Taddia
Sujet: Re: ORLANDO PALADINO HobXXVIII.11 Sam 8 Avr - 8:32
A noter qu'Orlando Paladino, l'opéra le plus ambitieux de Haydn fera l'objet de deux productions bien distinctes, l'une à l'opéra de Zurich en mai 2017 et l'autre à l'opéra de Munich en juillet 2018.
Pour les détails il faut aller à la rubrique CDs, DVDs, Concerts et Evènements sur ce même forum.
Haydn Administrateur
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Sujet: Re: ORLANDO PALADINO HobXXVIII.11 Sam 12 Mai - 1:52
Sujet: Re: ORLANDO PALADINO HobXXVIII.11 Jeu 14 Nov - 16:14
Un extrait de la version René Jacobs de Orlando paladina: aria d'Alcina
This aria da capo is written in the opera seria style. It also strongly looks like the first aria of Flaminia in Il mondo della luna. Cette aria da capo est écrite dans le style opéra seria avec de superbes vocalises napolitaines, il ressemble à s'y méprendre au premier air de Flaminia dans Il mondo della luna.