Le trio n° 26 pour piano, violon et violoncelle en ut mineur (HobXV.13), composé en 1789, fait partie d'un petit ensemble de quatre trios, le n° 24 en mi bémol majeur (HobXV.11) (1788), le n° 25 en mi mineur (HobXV.12) (1788) et le n° 27 en la bémol majeur (HobXV.14) (1790). Ces quatre trios composés peu avant le départ pour Londres ont en commun leur caractère sérieux et élaboré, ils contiennent des thèmes particulièrement lyriques et romantiques et sont d'une exécution relativement difficile. Ils diffèrent des trois trios suivants (HobXV.15-17), qui tout en étant très beaux, sont plus faciles et techniquement moins exigeants.
Le trio n° 26, comme le n° 24 en mi bémol, est en deux mouvements. Un superbe Andante à 2/4 ouvre le trio. C'est un exemple typique et totalement abouti de la double variation dont nous avons vu beaucoup d'exemples dans les sonates pour piano. Un beau thème très chantant est exposé en ut mineur à l'intérieur de doubles barres de reprises. L'épisode suivant en ut majeur présente une analogie avec le thème précédent c'est pourquoi on peut le considérer comme une première variation. Toutefois ce thème en ut majeur au caractère d'hymne possède une telle intensité et originalité (sublime modulation d'ut majeur à si mineur à la sixième mesure) que l'on peut aussi l'entendre comme un nouveau thème. Les épisodes suivants (troisième, cinquième en ut mineur d'une part et quatrième, sixième en ut majeur d'autre part) sont des variations sur le premier et le second thème. Le mouvement se termine avec la sixième variation. Curieusement, le violoncelle qui jusque là suivait la basse du piano se voit confier quelques traits indépendants dans cette dernière variation. Ce mouvement ressemble beaucoup en ce qui concerne le fond et la forme, à l'Andante qui ouvre le quatuor en fa mineur opus 55 n°2 (Razor quartett) composé quelques mois auparavant.
Le second mouvement est un Allegro conspirito à 3/4. C'est une structure sonate particulièrement développée. Alors que de nombres de premiers mouvements de Haydn sont basés sur un thème unique, Haydn nous gratifie dans l'exposition (cent mesures) de ce morceau d'au moins trois thèmes. Toutefois l'unité du morceau est assurée car chacun de ces thèmes démarre par la même formule rythmique (1). Le troisième thème présente une analogie évidente avec le thème du menuet de la Kleine Nachtmusik en sol majeur, KV 527 de Mozart. Les analogies s'arrêtent là car ce mouvement dans son ensemble est peu mozartien. Il présente une certaine rudesse typique de certaines oeuvres de la période londonienne (premier mouvement de la symphonie n°98 en si bémol, premier mouvement du trio n° 43 en ut majeur (HobXV.27), sinfonia en sol mineur qui ouvre Les Saisons...). Cette rudesse est conférée par le second thème et surtout son élaboration complexe dans le vaste développement (cinquante mesures) riche en dissonances. Au cours de la réexposition, le troisième thème (Nachtmusik) est suivi par de splendides modulations: d'ut majeur on va vite vers sol bémol majeur et on admire l'élégance avec laquelle Haydn revient au ton principal du morceau pour terminer majestueusement ce splendide trio.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988.
Joyeux Noël à toutes et tous
Piero