Le trio n° 9 en sol mineur (HobXV.1) existe sous forme de copie appelée Partita à Kremsier (République Tchèque). La date de sa composition (probablement entre 1760-2) par Joseph Haydn est plus tardive que celle des huit trios précédents (1). Si sa coupe (Moderato, Menuet, Presto) est identique à celle de la plupart des trios précédents, le fonds en est différent. Malgré sa brièveté relative, il s'agit d'une oeuvre profonde et intense que l'on peut classer parmi les chefs-d'oeuvre du "jeune" Haydn.
Le premier mouvement Moderato rompt avec le début de tous les trios précédents, il renonce en effet au double énoncé thématique (1) car le premier thème est exposé ici par les trois instruments d'emblée au lieu d'être énoncé d'abord par le piano puis une deuxième fois par les trois instruments. Ce thème est remarquable par ses rythmes pointés. Le deuxième thème au relatif majeur se distingue par ses nombreux trilles. Le Magnifique développement est dense et touffu, les dernières mesures (septièmes diminuées) qui préparent la rentrée sont particulièrement expressives. La réexposition est très modifiée et la transposition en mineur du second sujet lui donne un poids nouveau qui équilibre ce mouvement, le plus développé parmi les premiers mouvements des trios de jeunesse de Haydn.
Le menuet aux dissonances acerbes a un caractère farouche tout à fait exceptionnel même chez Haydn. Le trio en majeur est un chant angélique du violon sur un accompagnement en triolets du clavier qui évoque le mouvement d'une source, comme cela sera le cas plus tard chez Franz Schubert. La deuxième partie du trio avec ses chromatismes est particulièrement fascinante.
Le Presto final est un mouvement exceptionnel d'une violence et sauvagerie incroyable. Il faut l'écouter pour le croire. Un seul rythme, un ostinato faudrait-il dire, traverse tout le mouvement, sans aucune pause et jusqu'à la conclusion fortissimo.
Bien avant la période "Sturm und Drang", le trio en sol mineur est la meilleure illustration du génie du jeune Haydn, un génie bouillonnant que les conventions de l'époque pouvaient parfois brider mais qui ici se manifeste sans aucun frein.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988.