Le Trio n° 33 en sol mineur (HobXV.19) de Joseph Haydn est le second d'une série de trois publiés en 1794 et dédiés à la princesse Anna Maria Esterhàzy. Alors que le premier de la série en la majeur (HobXV.18) est une oeuvre extravertie et vivement contrastée, le second est discret et intime. Il baigne dans un climat mélancolique et automnal.
Le premier mouvement s'ouvre par un Andante qui présente la structure de la double variation chère à Haydn. Les rythmes pointées sur lesquels insiste beaucoup Marc Vignal (1) donnent au thème en sol mineur une allure inquiète très caractéristique. L'intermède majeur qui suit plus serein n'est pas dépourvu de douceur et d'une certaine mélancolie. La première (et dernière) variation mineure du thème initial est une délicate et subtile broderie du piano sur le thème dans laquelle les rythmes pointés sont gommés. Haydn procède de même dans la première variation de l'intermède majeur qui acquiert une douce sonorité très séduisante. La deuxième et dernière variation, également en sol majeur, est très originale par le tempo rapide (Presto) et son rythme 6/8. C'est en somme une petite structure sonate munie d'un développement substantiel. Elle donne une conclusion vigoureuse à ce beau mouvement.
Le second mouvement Adagio non troppo en mi bémol majeur, est, à mon avis, le sommet du trio. Très court il donne une image parfaite de l'art merveilleux de Haydn à donner beaucoup de musique avec peu de notes. Le thème principal possède, à mon avis, un caractère beethovénien très net. Il débute avec une admirable phrase chantée par le piano et délicatement harmonisée par les autres instrumentistes. A la fin de l'exposition, un délicieux motif est joué par le violon et répété in extenso par le piano à l'octave supérieure. Suit une transition très émouvante par la main gauche du piano solo. La réexposition est significativement variée et l'accompagnement par les deux cordes de la main droite du piano est encore plus riche. Ce mouvement s'achève dans un climat apaisé et rêveur.
Le Finale, Presto à 6/8, est une structure sonate à deux thèmes, le thème principal en sol mineur a un rythme très caractéristique, le second thème, issu du premier est en si bémol majeur. Le développement très court, mais concentré, est basé sur les deux thèmes; la fin du développement est remarquable: les cordes jouent des bribes du second thème rendu méconnaissable par sa transposition en mineur, sous des arpèges en doubles croches du piano. Lors de la rentrée, le retour du thème principal en sol majeur, provoque une impression de luminosité très forte qui me fait penser à Schubert et en particulier à un passage du finale de la sonate en ut mineur D 958 dont le rythme est voisin de celui du présent morceau. Le trio s'achève donc en majeur avec un dernier exposé du début du thème affirmé avec la plus grande énergie.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988, pp. 1251-2.