Le trio n° 40 en fa # mineur (HobXV.26) pour piano, violon et violoncelle date des années 1794-5 du deuxième séjour londonien de Joseph Haydn. Comme les deux trios précédents, le trio n° 40 est dédié à la pianiste Rebecca Schröter. Après la symphonie n° 45 (Les Adieux), le quatuor opus 50 n°4, c'est la troisième oeuvre écrite dans la tonalité rare de fa # mineur (1).
L'allegro initial est une structure sonate classique à deux thèmes, le premier est très pathétique et un second thème plus guilleret apparait à la fin de l'exposition. Le développement débute avec le premier thème exposé plusieurs fois dans différents tons avec chaque fois une expression renouvelée. C'est ensuite un motif rythmique présenté au cours de l'exposition qui va être répété de nombreuses fois par les cordes et accompagnés par des arpèges très modulants du clavier donnant à cette partie centrale du développement une allure de fantaisie. C'est enfin par des imitations sur le second thème par les trois instruments qui s'achève le développement. La rentrée est rendue plus dramatique encore par la transposition du discours musical en mineur.
A l'écoute de l'Adagio dans la tonalité extraordinaire de fa # majeur, on éprouve une impression de déjà entendu. Cet adagio est en effet une version pour trio avec piano, violon et violoncelle du sublime adagio en fa majeur de la symphonie n° 102 en si bémol majeur. Rappelons ici que dans la symphonie cet adagio est remarquable par son orchestration géniale avec tout au long du morceau une partie capitale confiée au violoncelle solo. Ce dernier par ses sextolets exalte le thème magnifique des violons. De façon très étonnante dans le trio la partie de violoncelle est confiée à la main gauche du pianiste et le violoncelliste doit se contenter d'une ligne de basse correspondant aux contrebasses de la symphonie. Il y a là un paradoxe qui nous montre une fois de plus que Haydn n'est jamais là où on l'attend et que par cette innovation, il renouvelle en profondeur le morceau que l'on peut écouter comme une oeuvre nouvelle.
Rien de dansant dans le tempo di Menuetto final qui évoque plutôt une ballade romantique. Le trio en fa # majeur apporte un instant de détente. Il est bâti sur une version en majeur du thème du menuet. Le retour du menuet s'effectue sans changements notables et quelques mesures de coda très intenses terminent le morceau en fa # mineur dans le climat dramatique du début.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988.