Le Trio n° 28 en ré majeur pour piano, violon (ou flûte) et violoncelle (HobXV.16) fait partie d'un groupe de trois comportant également le trio n° 29 en sol majeur (HobXV.15) et le trio n° 30 en fa majeur (HobXV.17). Ces trios commandés par John Bland en 1789 furent publiés en 1790 ce qui n'empêcha pas Joseph Haydn de les envoyer à l'éditeur Artaria qui les publia en 1790 et 92 (1). Une fois de plus, Haydn fit preuve de talent dans la défense de ses intérêts. Ces trios peuvent être joués indifféremment par une flûte traversière ou un violon. D'aucuns considèrent ces trios comme plus "faciles" que les quatre précédents.
Le trio n° 28 s'ouvre par un premier mouvement très brillant, Allegro. Le thème principal rappelle étroitement celui de la sonate pour deux pianos KV 448 composée par Mozart en 1783. Ce thème très incisif est suivi par un motif chromatique ascendant qui va jouer un rôle essentiel dans le développement. Le deuxième thème insouciant est bien détaché de ce qui précède. Une formule conclusive lapidaire conduit à la fin de l'exposition. Le développement, particulièrement long est d'abord basé sur le deuxième thème qui passe par de belles modulations souvent dans les tons mineurs ce qui change complètement sa signification: d'abord guilleret il devient de plus en plus inquiet. C'est ensuite le motif chromatique ascendant qui intervient et qui donne lieu à un passage d'une grande intensité dont les harmonies très acerbes contrastent avec l'exposition qui était plutôt sereine et aimable. La réexposition, fortement abrégée, exactement comme dans le trio n°24 en mi bémol, aboutit à une splendide coda qui débute par une abrupte modulation de ré majeur vers mi bémol majeur. Le second thème revient alors et de très belles modulations aboutissent à la brillante formule conclusive de la fin de l'exposition.
Le second mouvement Andantino piu tosto allegretto en ré mineur à 6/8 est, me semble-t-il, de forme sonate sans développement. Le rythme du très beau thème nostalgique donne, à l'écoute, l'illusion d'un ¾ et fait penser à un menuet. Ce thème (une cellule de quatre mesures) est d'abord énoncé par le piano seul, puis répété par les trois instruments. La conclusion de l'exposition avec ses chromatismes est particulièrement émouvante. Après quelques mesures de transition, la réexposition très condensée, se distingue par un accompagnement nouveau qui augmente le caractère mélancolique du thème. Cet intermezzo presque romantique est enchaîné au finale..
Le trio se termine par un Rondo Vivace assai. Le refrain se distingue par un thème plein d'énergie latente auquel se joint un contrechant qui en intensifie encore le dynamisme. Ce refrain est encadré par de doubles barres de reprises. Le premier couplet en ré mineur est issu du refrain. Le second intermède en mi mineur également a un très net parfum tzigane. Le troisième couplet majeur évoque l'opéra bouffe. Le dernier retour du refrain est suivi par une poétique coda très modulée basée sur le refrain qui s'enchaine à une très brillante conclusion sur un unisson des trois instruments.
Ayant écouté ce magnifique trio avec une flûte par le Van Swieten trio et avec un violon par les Beaux Arts trio (Intégrale Brilliant), je trouve que les deux versions ont leur charme. La flûte convient bien à l'Andantino qui prend un caractère plus pastoral ainsi qu''au couplet tzigane du Rondo. Les Beaux Arts trio donnent plus de volume et d'intensité au superbe premier mouvement.
Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988, pp 1143-5.