Gli Astrologi Immaginari, musique de Giovanni Paisiello sur un livret de Giovanni Bertati, fut représenté au Théatre de l'Hermitage de Saint Petersbourg le 14 février 1779. Le succès fut immédiat et l'oeuvre parcourut les principales capitales européennes dans la décennie qui suivit. Joseph Haydn monta et dirigea l'oeuvre au théatre d'Eszterhàza en 1782. A partir de cette date et jusqu'en 1784, il y eut 33 représentations chiffre considérable montrant l'intérêt de Nicolas le Magnifique pour cette oeuvre de Paisiello. Rappelons ici à titre de comparaison que l'Isola disabitata, azione dramatica, de Haydn ne fut représentée qu'une fois seulement en 1780 à Eszterhàza et qu'Armida, opéra seria de Haydn, y fut représentée 54 fois à partir de 1784 (1).
Argument. Petronio est passionné jusqu'à l'obssession d'astronomie et de philosophie. Il s'est mis en tête de marier ses filles Clarice et Cassandra à des savants et de ce fait rejette Giuliano, l'amoureux de Clarice. Contrairement à Clarice, une fille toute simple, sa soeur ainée Cassandra est férue de philosophie. Pour conquérir Clarice, Giuliano se déguise en un philosophe grec agé de cent ans. Le philosophe prétend pouvoir rajeunir grâce à un elixir. Il pense également pouvoir guérir Clarice de son ignorance et c'est avec enthousiasme que Petronio lui confie sa fille et signe un papier, un acte de mariage en fait, sans l'avoir lu. Entre temps l'elixir functionne, le philosophe rajeunit et se transforme en Giuliano au grand désespoir de Petronio qui réalise qu'il a été berné.
Un livret complètement loufoque fait pour amuser le public avec des sujets "porteurs": le thème de l'idée fixe très fréquent chez Paisiello (voir le remarquable Socrate Immaginario de 1775 et Il Sposo burlato de 1778), le conflit de générations et bien sûr le subterfuge inépuisable du déguisement.
Le style. Avec des airs très courts, pratiquement sans vocalises, deux beaux ensembles de dix minutes chacun terminant les deux actes et quelques choeurs assez brefs, l'oeuvre est remarquable par sa concentration et sa concision et annonce par bien des côtés Le Barbier de Séville terminé trois ans plus tard. Il est probable qu'elle dut plaire à Haydn qui reprochait aux opéras italiens la longueur des airs au regard de leur contenu musical. L'instrumentation est riche avec les bois au complet (flûtes, hautbois, clarinettes et bassons). Il est frappant de constater que l'orchestration de Paisiello est une des plus avancées de son époque, plus hardie que celle de Domenico Cimarosa dont l'orchestration apparaît plutôt sommaire en comparaison dans l'Italiana in Londra contemporaine.
Les sommets.
Acte I
L'oeuvre démarre sur les chapeaux de roues avec le magnifique ensemble: "Un signor di buon aspetto". Clarice annonce la venue de son amoureux Giuliano à Cassandra et Petronio. Ces derniers absorbés par un livre de philosophie demandent le silence. D'emblée le charme mélodique et la splendeur sonore de ce début sont dignes du meilleur Paisiello.
La cavatine de Clarice "Mi sia guida la mia stella". L'intervention d'une clarinette et d'un basson solistes donnent à cet air très court un charme exquis. Très différente de celle de Cimarosa, la mélodie de Paisiello émeut par sa simplicité et son naturel.
Dans Le finale de l'acte I, "Venga pur ch'è benvenuto...", on est frappé par la quasi identité du passage "Se attender voi siete contento" avec plusieurs passages du Barbier de Séville du même Paisiello et un air fameux des Noces de Figaro de Mozart. Le tutti final est particulièrement merveilleux, les quatre protagonistes entrent en canon à la manière d'un madrigal de la Renaissance, comme cela sera aussi le cas dans les choeurs terminant Il Mondo della Luna (1783) et Il Re Teodoro in Venezia (1784) du même Paisiello. Tout s'arrête et moment magique le quatuor murmure "Silenzio qua si faccia", moment d'une intense poésie. Seul Paisiello est capable de tels contrastes.
Acte II
Air de Clarice. "Se pietoso, Amor..." Clarice exprime son amour pour Giuliano dans un air émouvant accompagné une fois de plus par les clarinettes et les bassons.
Le duo "Con anni cento..." du philosophe agé de cent ans et de Petronio avec force voix chevrotantes, toux, crachats est particulièrement célèbre. La spectateurs devaient être pliés en deux à force de rire. Je ne suis pas très sensible à ce comique un peu vulgaire qu'un Wolfgang Mozart ne se serait jamais permis de pratiquer.
Le magnifique air de Cassandra accompagné par le choeur "L'ora cheta ed opportuna". Personnage sans grande caractérisation ni grande cohésion psychologique, Cassandra bénéficie d'un des plus beaux moments de l'oeuvre. Le choeur des disciples illustre bien le génie de Paisiello dans le maniement des voix, musique d'une simplicité et d'un charme mélodique incomparables.
Lors du finale de l'acte II on éprouve une sensation de déjà vu et entendu. Il débute avec une scène au rythme ¾ très voisine de scènes "infernales" de Socrate immaginario, il Sposo burlato de Paisiello, Orfeo de Gluck et de Ferdinando Bertoni et La Grotta di Trofonio d'Antonio Salieri.
Une musique ravissante, parfois émouvante, le plus souvent légère et sans prétention. Finalement un des plus réussis parmi les opéras de Paisiello. Que désirer de plus?
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988, pp 232-4.