La
symphonie n° 96 en ré majeur est avec la n° 95 en ut mineur une des premières symphonies composées à Londres par
Joseph Haydn en 1791. Alors que la symphonie n° 95, oscillant entre le mode mineur et le mode majeur, montrait les contrastes les plus vifs entre son premier mouvement et son finale et même entre le début et la fin de son premier mouvement, la
symphonie n° 96 en affirmant puissamment la tonalité de ré majeur du début à la fin, manifeste son unité. La
symphonie n° 96 est également remarquable par sa concentration exceptionelle (même chez Haydn) et son orchestration donnant une très grande importance aux instruments à vents utilisés ici avec raffinement..
Après une introduction solennelle d'où les trompettes et timbales sont exclues, le mouvement rapide
allegro 3/4 débute par un thème complexe et subtil, en fait une
combinaison de deux thèmes, l'un énoncé par les altos et le basson solo (a) et l'autre par le premier violon (b). Les deux phrases sont si harmonieusement fusionnées que l'oreille n'entend qu'un thème. Après une transition de tout l'orchestre très syncopée, le thème principal est répété à l'identique, une nouvelle transition nous amène à la dominante (mesure 50), c'est dire l'i
mpressionnante fixité tonale de ce début qui donne à ce mouvement la stabilité d'un roc. Le second thème en la majeur n'apparaît qu'à la mesure 70 et conduit aux barres de reprises. Le développement (70 mesures) débute avec le premier thème (a + b) en si mineur, ce dernier est ensuite fragmenté et des bribes du thème sont répétées par le premier violon à travers de nombreuses modulations. La partie b du thème principal fait l'objet d'un nouveau développement au dessus d'un rythme obstiné de la basse. Après une fausse rentrée, nouveau développement sur la partie b du thème avec un nouveau contrechant des violons consistant en une avalanche de doubles croches. La réexposition est modifiée avec beaucoup de fantaisie: une variante du second thème domine maintenant le discours musical et lui confère une puissance accrue. Un
sommet de puissance est atteint à la fin du mouvement avec une brusque modulation en ré mineur sur un impressionnant
fortissimo de tout l'orchestre. On sait que cette symphonie a fait l'objet de modifications au cours des éditions successives. Les parties de trompettes et timbales ont été très fortement altérées. Les éditions les plus récentes ont restitué les parties originales (1). Dans ces dernières les trompettes ont une tessiture bien plus élevée (souvent un octave au dessus) que les éditions altérées et la
sonorité est bien plus perçante. L'
andante en sol majeur 6/8 adopte la forme du rondo. Le thème du refrain est exposé piano par le premier violons puis répété avec cette fois un très joli accompagnement de la flûte, du hautbois et du basson débouchant sur un passage en ré majeur plus animé en triolets de doubles croches. Après un retour du refrain agrémenté par la sonorité moelleuse des deux cors, éclate le couplet central en sol mineur.
Jamais auparavant Haydn n'avait écrit un "Minore" aussi intense et étendu. Il débute par des entrées de fugue des premiers puis des seconds violons, des altos et des basses; quand les basses entrent en scène
fortissimo, trompettes et timbales interviennent de manière extrêmement dramatique. Après un retour du refrain suivi par le passage en triolets de doubles croches, tout s'arrête sur un point d'orgue. A ce moment deux violons solistes interviennent et dialoguent avec les bois et les cors; à la mesure 70, une
modulation bouleversante, sol majeur vers la bémol majeur, signe le sommet émotionnel de cet admirable passage qui se termine par un double
pianissimo de tout l'orchestre.
Le menuetto
allegretto très développé est un magnifique morceau symphonique construit comme une structure sonate, il est suivi par un trio qui donne au hautbois la part du lion.
Le superbe finale
Vivace assai 2/4 donne à la symphonie une conclusion digne de ce qui précède. Le
refrain de ce rondo sonate est entouré de doubles barres de reprises. Les nuances
piano et même
pianissimo à la fin (exception faite d'un très bref forte) indiquent que ce thème doit être presque chuchoté et les inflexions mineures de la deuxième partie du refrain lui donnent beaucoup de piquant. Le premier couplet très dramatique est en ré mineur, il se poursuit avec un retour du début du thème du refrain accompagné par un contrechant en blanches des premiers violons. Après de
violents coups de boutoir des trompettes dans leurs registre suraigu, les violons jouent en solo une sorte de transition qui ramène le refrain. On ne saurait trop insister sur
l'humour et le charme de ces transitions, parfois le refrain est entonné une mesure trop tôt, "erreur" rapidement corrigée par une nouvelle entrée du refrain! Le couplet central est un développement au contrepoint très serré sur le début du refrain, un nouveau retour de ce dernier est maintenant agrémenté par une flûte solo spirituelle et c'est maintenant une
vaste et puissante coda qui met un point final à ce mouvement enchanteur mais pas avant que le spirituel refrain ne fasse une dernière apparition.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988. Selon cet auteur, dans les symphonies Londoniennes, Haydn s'écarte de Wolfgang Mozart. C'est indiscutable dans cette symphonie.