Antigona de Josef Myslivecek, livret de Gaetano Roccaforte, a été créée le 26 décembre 1773 au Teatro Regio de Turin avec le castrat Venanzio Rauzzini dans le rôle d’Euristeo.. Il semble que l’oeuvre connut un grand succès comme d’ailleurs de nombreux autres opéras de l’auteur. Curieusement aucun opéra de Myslivecek ne fut monté à Eszterhàza par Joseph Haydn (1). En 2011, l’opéra a été monté au Théâtre de Bienne (Suisse) avec Rosa Elvira Sierra dans le rôle titre.
Synopsis. Antigona est bien décidée à récupérer son trône occupé par l’usurpateur Creonte. Pour cela elle demande l’aide d’Euristeo son mari et fils de Créonte. Euristeo est déchiré entre ses devoirs d’époux et de fils. Créonte qui croit qu’Antigona est morte, destine son fils à Hermione, une enfant trouvée, élevée secrètement par la soeur de Créonte. L’oracle consulté à propos de ce mariage répond que pour plaire aux dieux, il faut sacrifier Hermione. C’est Antigona qui doit procéder au sacrifice mais au moment où elle abat le glaive sur la jeune fille, on se saisit d’elle pour empêcher le sacrifice au grand dam de Créonte. Antigona découvre au cou d’Hermione un médaillon qui appartenait à un nourisson qui lui fut enlevé dans un bois, elle réalise alors qu’Hermione est sa fille. Grâce à une ruse (elle envoie Créonte calmer une prétendue révolte), Antigona s’empare du trône, Créonte est destitué, et Learco, un garde du palais resté fidèle à Antigona, épouse Hermione. Ce scénario est une suite imaginaire de la tragédie de Sophocle.
Le style. En 1773, date de composition de Antigona, Christoph Willibald Gluck avait déjà effectué une réforme de l’opéra seria en incorporant à ce dernier des choeurs, ensembles et ballets inspirés de la Tragédie lyrique française. De son côté, Tommaso Traetta avait fait de même à Parme et en 1772 avait composé un opéra seria “réformé”, Antigona (issu lui de la tragédie de Sophocle) qui est généralement considéré comme son chef-d’oeuvre. Avec Temistocle, crée à Mannheim en 1772, Johann Christian Bach s’était engagé dans une voie similaire avec un opéra seria d’une structure très innovante. Rien de pareil avec l’Antigona beaucoup plus sage de Myslivecek, celle-ci diffère radicalement de l’Antigona de Traetta contemporaine, elle consiste en effet en une suite de récitatifs secs et d’airs, mis à part un duetto à la fin de l’acte I et un terzetto suivi d’un court tutti à la fin de l’acte III, comme c’était la coutume dans l’opéra seria baroque. Cette tradition sera poursuivie par Wolfgang Mozart (Lucio Silla, 1773) et Nicola Piccinni (Didone abbandonata, 1770), Giuseppe Sarti (Giulio Sabino, 1781), Giuseppe Haydn (Armida, 1784), Domenico Cimarosa (Olimpiade, 1784).. Ainsi deux voies totalement différentes continuent à coexister pendant la deuxième moitié du 18ème siècle pour donner à l’opéra seria une grande vitalité et jalonnées par des chefs-d’oeuvre aussi différents que l’Olimpiade de Cimarosa (opéra seria traditionnel) ou bien l’Idomeneo de Mozart (opéra seria réformé).
Les airs d’Antigona sont de structure très simple, il s’agit souvent d’airs de forme ABA’ avec da capo et B’ plus ou moins varié. Il y a aussi des airs plus doux ou plus populaires qui peuvent revêtir la forme lied ou celle de l’ariette. L’orchestration est des plus classique mais on remarquera l’importance des trompettes et timbales, ainsi que les tempos généralement rapides qui donnent à la musique un air très martial.
Les temps forts.
Acte I
Aria d’Hermione Gia piu nel seno timor non sento…C’est un air qui caractérise parfaitement l’innocence et la simplicité sans artifice de la jeune fille.
Duetto Euristeo Antigona à la fin de l’acte Se’l tuo fedel son io.. Duetto très typique de l’opéra seria avec belles vocalises.
Acte II
Aria d’Antigona Rende il mar…Aria di paragone (2) typique dans lequel Antigona se compare au marin qui ressent effroi et desespoir face à une mer déchaînée et qui reprend confiance dès que le calme revient. Magnifique air avec trompettes et timbales.
Aria d’Antigona Empio crudel tiranno… Aria di furore (2) très beau et passionné.
Aria de Créonte Saro quel è il torrente…Aria di paragone avec da capo de structure AA1BA’. Un des sommets de l’opéra et un beau défi pour les chanteurs ou chanteuses en raison de belles vocalises napolitaines. Créonte se compare à une rivière en furie qui emporte tout sur son passage. Le brillant accompagnement des violons évoque les tourbillons des ondes déchaînées.
Acte III
Aria Euristeo Come un scoglio in mezzo al mar ..Aria di paragone. Euristeo se compare à un rocher dans la mer. Cet air avec da capo et vocalises donne à Euristeo une personnalité plus énergique qu’au debut de l’opéra.
Terzetto Hermione Antigona Euristeo Ah Cela quel pianto non tanto dolor. Un sommet émotionnel de l’opéra. Ecrit dans le mode mineur comme très souvent dans les morceaux de ce genre dans l’opéra baroque.
En définitive, nous avons là un opéra seria type, très agréable à écouter mais sans grande originalité.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988, pp.56.
(2) Dans les opéras seria, les airs sont assujettis à des conventions et sont stéréotypés pour exprimer des émotions ou des états d’âme. Aria di paragone, basé sur une comparaison ou une métaphore; aria di furore; aria di guerra; aria di disperazione (désespoir) etc…