Missa en si bémol majeur HobXXII.13 Schöpfungsmesse (Messe de la Création). Elle fut composée en juillet-août 1801. Son surnom, qui apparaît pour la première fois en 1854 (1), provient du fait que le thème qui ouvre l’épisode
Qui tollis peccata mundi est tiré d’un motif de l’oratorio La Création. Cette messe et la suivante sont écrites pour un effectif plus fourni que les précédentes, comportant en plus du quintette à cordes, de l’orgue, deux flûtes, deux hautbois, deux clarinettes, deux bassons, deux cors, deux trompettes et deux timbales (2). On remarque d’emblée la place importante que tiennent les
clarinettes qui colorent de façon typique l’orchestre et possèdent d’importants passages solistes.
Kyrie Eleison. Comme dans la plupart des 7 messes postérieures à 1796, l’épisode Kyrie Eleison comporte une introduction lente Adagio ¾. Jamais auparavant Haydn n’avait comencé un Kyrie avec autant de recueillement et de majesté. La fanfare de trompettes fortissimo qui interrompt cette introduction est d’autant plus surprenante et même intriguante. Suit un Allegro 6/8. Le tempo étonnament rapide pour un Kyrie et sa polyphonie très dense lui donne un caractère particulièrement dynamique et volontariste ce qui étonne vu qu’il s’agit d’une supplication (Seigneur ayez pitié de nous). Le
Christe eleison en si bémol mineur est par contre une prière particulièrement émouvante. De nouveaux appels de trompettes interrompent le cours de la conclusión du Kyrie.
Gloria in excelsis. Allegro 2/2. Il débute par une spectaculaire fanfare des trompettes accompagnées des timbales. Cette fanfare reviendra plusieurs fois au cours du Gloria à la manière d’un refrain de rondo séparant divers épisodes:
Laudamus te, Gratias, Domine Deus. Ces épisodes utilisent le plus souvent des tonalités mineures et font intervenir généreusement les clarinettes. On remarque la difficulté des parties chorales, les sopranos n’ayant pas peur d’atteindre à plusieurs reprises le si bémol suraigu (sib4). La citation de La Création intervient sur les paroles
Qui tollis peccata mundi mais la suite
Miserere nobis en mi bémol majeur Adagio 2/3, chanté par l’alto puis par tout le quatuor vocal, donne lieu à une musique toute différente et bien plus dramatique. Le choeur dialogue avec les solistes de façon très émouvante et cette section s’achève pianissimo. La troisième partie du Gloria s’achève par une fugue grandiose Molto vivace 4/4 en si bémol majeur, une des plus vastes intervenant dans une messe de Haydn. Le thème chromatique sur les paroles
In gloria Dei Patris. Amen est curieux par sa structure asymétrique et sa longueur. Les bois, clarinettes, hautbois et bassons sont très actifs et dialoguent avec le quatuor vocal.
Credo Vivace 4/4 en si bémol majeur. Credo très symphonique donnant aux cuivres et aux bois un rôle important. Le mouvement rapide des violons donne beaucoup de dynamisme à la profession de foi. Le contraste est d’autant plus vif avec l
’Incarnatus est adagio dans la tonalité éloignée de sol majeur. C’est le ténor qui chante le mystère de la Nativité, l’orgue solo lui répond de façon très harmonieuse. L’atmosphère s’assombrit sur les mots
Crucifixus est. Cet épisode, le sommet dramatique de la messe, est chanté par la basse solist dans son registre le plus grave. Le choeur lui répond de façon poignante sur les mots
passus et sepultus est. Dans l’épisode Resurrexit, on remarque l’intervention des vents et tout particulièrement celle de la clarinette dont les sauts d’octave sont remarquables et dont les traits évoquent presque l’opéra bouffe. L’
Et vitam venturi saeculi. Amen termine le Credo avec un fugato joyeux.
Sanctus Adagio 4/4, introduit par un magnifique dessin des violons soutenus par des tenues des clarinettes, est un admirable morceau d’une ferveur rarement atteinte dans une messe de cette époque. L’
Hosanna in excelsis Allegro qui conclut le
Sanctus est un instant de pure joie.
Benedictus Allegretto en mi bémol majeur 6/8, est à mon humble avis, le sommet de la messe toute entière et peut-être
le passage où le génie de Joseph Haydn se manifeste avec le plus de clarté. Comparable par la synthèse de styles savants et populaires au
Benedictus de la messe précédente, il le dépasse en intensité et en ferveur. Ce
Benedictus introduit de manière sublime par le cor puis par l’orchestre au complet, et dont le thème principal a un caractère dansant, est entrecoupé par plusieurs retours de l’épisode
Hosanna in excelsis dans le même rythme 6/8 que le
Benedictus proprement dit. Les courbes des vents, des cordes s’entrelacent, le quatuor de solistes et le choeur se répondent produisant une sonorité enchanteresse, vision véritablement paradisaique. Je rapprocherais volontiers ce morceau de l’andante de la symphonie n° 62 en ré majeur (2).
Agnus Dei. Adagio en sol majeur ¾. Les trois sections de l’
Agnus Dei montrent une gradation dans l’émotion. Les deux premières sections sont chantées par le quatuor de solistes, la troisième par le choeur accompagné par les triolets des violons. Les unissons sur les mots
miserere nobis sont impressionnants. Un
Dona nobis pacem, Allegro moderato 2/2 donne une conclusion jubilante à la messe.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988, pp. 1422-6.
(2)
https://haydn.aforumfree.com/t302-symphonie-n-62-en-re-majeur