La structure sonate que Joseph Haydn pratiqua avec passion et dans laquelle il mit ses plus belles idées peut être vue comme un discours dans lequel l'auteur, à la manière d'un orateur, s'efforce d'influencer, de persuader ou de convaincre son auditoire en utilisant la Rhétorique.
Cette science ou bien cet art, employés dans la musique, mettent en jeu un certain nombre de procédés (1):
La Répétition. Très efficace, ce procédé permet de graver dans l'esprit des auditeurs les idées musicales choisies. Haydn en use abondamment. L'idée peut être simplement répétée à l'identique mais le plus souvent est élaborée en restant parfaitement reconnaissable. Le développement dans la structure sonate permet cet élaboration de l'idée musicale. Les exemples abondent chez Haydn plus que chez la plupart de ses contemporains. On illustrera plus loin ce procédé avec des citations musicales. D'emblée, on peut dire que c'est dans le premier mouvement de la symphonie n° 88 que Haydn utilise la répétition de la manière la plus explicite et intense.
La Variation. C'est évidemment une variante de la répétition. On répète l'idée de base en la modifiant, souvent de façon de plus en plus profonde au fur et à mesure que les variations se suivent, au point que l'idée de base est à peine reconnaissable. Cette stratégie est efficace car on peut ainsi exploiter toutes les possibilités de l'idée de base.
Le contraste. Il est apporté dans la structure sonate par le second thème. A un premier thème souvent majestueux voire impérieux exposé forte succède souvent un second thème doux et chantant exposé piano. A la voix masculine, répond l'élément féminin qui lui apporte sa version et parfois sa contradiction. Le contraste est un élément important du classicisme à son apogée et devient une figure de dialectique chez Beethoven où les deux thèmes s'opposent d'abord puis finissent par dialoguer (exemple célèbre: 4ème concerto pour piano en sol majeur opus 58, mouvement lent andante con moto).
La surprise. La structure sonate n'est pas un fleuve tranquille, le discours est interrompu par des sautes d'humeur, traits d'humour, des surprises dont le rôle est de frapper, de stimuler l'auditeur avant de le convaincre définitivement. Haydn héritera ce procédé de son modèle Carl Philipp Emmanuel Bach. Tout le monde connait l'andante de la symphonie n° 94 en sol majeur dite La Surprise, mais on oublie souvent que toute la symphonie est truffée de ces traits, susceptibles de dérouter d'abord l'auditeur avant de le séduire puis le convaincre totalement!
(1) Michelle Garnier-Panafieu, Un contemporain atypique de Mozart: Le Chevalier de Saint-George, YP Editions, pp 61-72, 2011.
à suivre...