Ce titre "tempora mutantur" (Les temps changent) apparait sur la copie Eszterhazy de Francfort du manuscrit. Il est peut-être de Haydn lui-même selon Marc Vignal. Selon le même auteur, "de toutes celles composées avant 1773, la symphonie n°64 en la majeur apparait certainement la plus mozartienne....., par ses frémissements et sa sensibilité à fleur de peau, elle tend d'avance la main à Mozart, qui bientôt allait en donner le pendant avec sa 29ème symphonie en la majeur KV 201 du 6 avril 1774" (1).
Je dois avouer qu'à mon humble avis, cette symphonie n'a rien de mozartien, c'est une des plus personnelles, étranges et novatrices de Haydn.
A la rigueur le premier mouvement Allegro spirituoso par son instabilité tonale, ses extraordinaires modulations à la fin de l'exposition d'une structure sonate particulièrement aventureuse pourrait annoncer le premier mouvement du quatuor en ré majeur KV 499 (1786) mais il est hautement improbable que Mozart ait connu cette symphonie et s'en soit inspiré.
Le Largo en ré majeur est le sommet de l'oeuvre, c'est un morceau sublime dont je ne dirai rien car Marc Vignal en a fait une analyse extrêmement pénétrante après laquelle il n'y a plus rien à ajouter. C'est un des premiers exemples de ces grands largos métaphysiques qui ponctuent la production de Haydn, un second étant le mouvement lent de la 86 ème symphonie en ré majeur (1786), le troisième étant celui stratosphérique de la 88 ème symphonie en sol majeur de 1887...
Le finale Presto à 2/2 est d'une originalité époustouflante, il s'agit d'un rondo présentant les caractéristiques d'un thème varié car refrain et couplets sont apparentés et ceux d'une structure sonate car les couplets peuvent être considérés comme des développements. Le thème du refrain à la fois brillant, incisif et d'une grande énergie latente donne à ce finale concis toute sa personalité. L'intermède le plus remarquable est l'intermède mineur d'une grande violence qui nous replonge dans le climat Sturm und Drang (Tempête et tension). Cité par M.Vignal le musicologue Jonathan Foster fait remarquer que le refrain s'adapte aux paroles d'une épigramme du poëte gallois John Owen (1565-1622) "Tempora mutantur nos et mutamur in illis" (Les temps changent et par eux nous sommes changés).
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988.