La symphonie n° 44 en mi mineur (Funèbre) a été composée vraisemblablement en 1771 et est donc contemporaine de la sonate n° 33 en ut mineur, c'est l'archétype de la symphonie "Sturm und Drang". Entre 1769 et 1773, Joseph Haydn, comme d'autres compositeurs contemporains dont Wolfgang Mozart, va écrire plusieurs oeuvres dans des tonalités mineures (sonates pour piano n° 32 en sol mineur et n° 33 en ut mineur, quatuors opus 20 n° 3 en sol mineur et n° 5 en fa mineur et symphonies n° 39 en sol mineur, 45 en fa# mineur, 49 en fa mineur, 52 en ut mineur). Rien de joli et de charmeur dans ces oeuvres tendues vers un seul but, celui d'exprimer des sentiments passionnés. Aucune virtuosité non plus qui tendrait à dévier le propos de l'essentiel qui est d'émouvoir.
L'admirable premier mouvement Allegro est entièrement construit sur deux motifs thématiques, un premier motif de quatre notes: mi, si (quinte), mi (octave) et re # (sensible) sabrées par tout l'orchestre est suivi par un thème lyrique chanté par les violons. Le premier motif va parcourir toute l'exposition, d'abord cantonné aux basses, il sera accompagné par un magnifique contrechant des violons, passage, d'une grandeur et d'une puissance extraordinaire. Le développement débute avecc le premier motif bientot suivi par le thème lyrique qui passe par de belles modulations expressives. C'est ensuite le contrechant des violons qui fera l'objet d'imitations entre violons et hautbois puis passera aux basses sous les syncopes des violons. La réexposition est entièrement refondue et son expression profondément renouvelée. A la fin le motif du début est présenté pianissimo sous forme d'un fugato à quatre voix, passage dont on peut trouver l'équivalent dix sept années plus tard sous la plume de Mozart dans l'épilogue du premier mouvement de sa symphonie en sol mineur KV 550.
Le menuetto allegretto est aussi dramatique que le premier mouvement, il est écrit sous forme d'un canon très libre entre violons et basses. Le trio en mi majeur apporte une note de consolation, on remarque un splendide passage joué par le cor dans son registre suraigu.
A propos de l'Adagio en mi majeur, la légende veut que Haydn ait demandé qu'il soit interprété lors de ses obsèques ce qui ne fut pas le cas. En tout état de cause c'est un des plus sublimes adagios de Haydn. Après le double énoncé du thème, le motif des hautbois et des cors qui suit m'arrache des larmes chaque fois que je l'entends.. Le développement approfondit encore (si la chose est possible) la substance du mouvement.
Du final presto je dirais qu'il s'agit certainement du plus impressionnant finale de symphonie composé à ce jour de l'année 1771 et peut-être le plus impressionnant finale des 107 symphonies. Farouchement monothématique, ce mouvement est parcouru en entier et sans la moindre pause par un thème unique. Le développement est extraordinaire, il commence par une incroyable progression harmonique sur le thème puis ce dernier est puissamment entonné par les basses sous le contrechant du reste de l'orchestre, passage qui après maintes années continue à me donner des frissons. L'oeuvre se termine par de puissants accords de mi mineur.
Elle est ma préférée parmi les symphonies Sturm und Drang, je la rouve supérieure à la n° 45 en fa # mineur (Les Adieux) en raison de son unité à la fois tonale (mi mineur est maintenu jusqu'à la fin) et expressive et du sujet traité que je trouve plus élevé.