Aucune symphonie ne voit le jour en 1777 et la symphonie n° 70 en ré majeur fait probablement partie d'une série de trois (les n° 70, 71 et une version sans introduction lente de la n° 53 Impériale) composées par Joseph Haydn après la symphonie n°61, au printemps 1778 (1).
Le Vivace conbrio initial est une des structures sonates les plus concentrées que Haydn ait composées. Rien de joli dans ce mouvement: un premier thème asymétrique et agressif, débutant par un intervalle de quarte puis de tierce majeure, sera répété pendant presque toute l'exposition et le développement. Il laisse cependant un peu de place à un second thème timidement chuchoté par les violons. Le développement consiste en énergiques imitations entre violons et basses sur les quatre notes initiales. Le caractère heurté de ce mouvement est encore accentué par les accords des cuivres dans leur registre aigu.
Le mouvement lent en ré mineur Specie d'un canone in contrapunto doppio. Andante (Sorte de canon en contrepoint double) est un des plus étonnant de toutes les symphonies de Haydn. D'après Pohl (1) le thème du canon, une sorte de marche lente, rappelle le célèbre canon Bruder Martin (notre Frère Jacques), opinion relayée par Marc Vignal qui n'hésite pas à dire que le début de ce mouvement annonce de près celui du troisième mouvement de la première symmphonie de Mahler, crée en 1889, également en ré mineur, au rythme de marche lente et en canon (1).
En tout état de cause, ce thème magnifique produit un effet extraordinaire. Le contrepoint double n'a rien d'archaïque et ne fait qu'intensifier le sentiment épique exprimé par le thème. Ce dernier est suivi de variations majeures et mineures alternées. La première variation mineure est très impressionnante avec des basses grondantes spectaculaires, les doublures des vents procurent des sonorités caverneuses. Les variations majeures, sereines et homophones, offrent une détente bienvenue après la tension des passages mineurs.
Le menuetto Allegretto est brillant et dynamique. Comme il se doit le trio est bien plus discret et populaire.
Le finale Allegro conbrio en ré mineur condense avec le mouvement lent une grande partie de l'intérêt de cette oeuvre exceptionnelle. Il débute piano par une sorte d'introduction formée de cinq notes répétées qui ne laisse pas prévoir ce qui va suivre: en fait une fugue à trois sujets. Au cours de cette dernière, le motif à cinq notes, un des contresujets, sera répété inlassablement. Le discours, scandé avec violence par la batterie, va continuellement de l'avant et emporte tout sur son passage. On oublie qu'il s'agit d'un morceau de contrepoint hérité de formes anciennes pour ne ressentir que le modernisme stupéfiant de l'harmonie. A la fin l'introduction piano revient en ré majeur cette fois mais la conclusion, un unisson de tout l'orchestre sur cinq ré, est tonalement ambigue.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988, p.1101-2.