Messages : 213 Points : 81 Date d'inscription : 01/06/2008 Localisation : Bourg la Reine
Sujet: Symphonie N°45 en fa dièse mineur "les adieux" Jeu 19 Juin - 2:02
J'ai écouté plusieurs fois cette magnifique symphonie qui date de 1772, en pleine période "Sturm und Drang". Comme la plupart des symphonies de cette époque elle est écrite pour deux hautbois, deux cors, cordes et basse. Marc Vignal est la source principale des commentaires qui suivent.
Plusieurs explications semblent circuler quant à l'origine de cette symphonie, qui serait liée à des problèmes de flexibilité et de redéploiement dans l'effectif des musiciens du prince Nicolas Esterhazy. Cet été-là à Esterhaza, certains musiciens étaient temporairement séparés de leurs épouses ; alors qu'ils pensaient en avoir fini, le prince prolongea inopinément son séjour de deux mois, ce qui jeta dans le désespoir les musiciens qui en appelèrent à Haydn. Voici le récit de Dies, rapporté par Marc Vignal : "Quelques soirs plus tard, le prince eut l'extraordinaire surprise de cette musique. Dans le feu d'une musique passionnée, une voix se termine ; l'interprète ramasse sa musique, prend son instrument, éteint sa lumière et s'en va. Peu après une deuxième voix se termine ; l'interprète fait comme le précédent et s'en va. Puis se terminent une troisième et quatrième voix, tous éteignent les lumières et emportent leurs instruments. L'orchestre devient sombre et désert. Le prince et tous les assistants se taisent, remplis d'admiration. Enfin, l'avant-dernière personne, Haydn lui-même, éteint sa lumière, prend sa musique et s'en va. Seul un violoniste est encore là. Haydn l'avait choisi exprès pour rester le dernier car son jeu de soliste plaisait particulièrement au Prince…La fin arriva. Alors le Prince se leva…trouva les musiciens dans l'antichambre et dit : "Haydn, j'ai compris, demain tous ces messieurs pourront partir"." D'autres récits plus ou moins contradictoires sont rapporté par Marc Vignal, mais c'est celui-là que je préfère.
Cette symphonie a donc les caractéristiques de celles de cette période (fréquence du mode mineur, rythmes féroces, tensions harmoniques, farouches unissons). Elle à 5 mouvements, dont les deux derniers enchaînés, à cause de son programme (les autres symphonies de cette époque en ont quatre). C'est la seule symphonie en fa dièse mineur parmi quinze mille écrites en Europe entre 1750 et 1800 !! Dans l'allegro, le véhément motif initial d'arpège descendant sonne clairement beethovénien et domine toute l'exposition en modulant ; un deuxième thème plus conciliant n'apparaîtra que dans le développement, avant une réexposition qui commence brutalement, puis part dans des chemins de traverse (vers mi mineur) avant la conclusion. Ce mouvement est très impressionnant par sa tension quasi permanente. L'adagio, pacifique et pensif, commence par les cordes avec sourdines, bientôt secondées par les hautbois et introduit le climat de l'épilogue final. Le menuet en fa dièse majeur fait entendre dès sa troisième mesure une fausse note dans les basses (ré bécarre) qui frappe immédiatement à l'audition. Le finale est en deux parties : une première véhémente dans le ton de l'allegro initial, dont la réexposition s'arrête brutalement et fait place à l'adagio des "adieux" proprement dit. Ce qui frappe dans cet adagio, après la violence de ce qui précède, c'est son caractère extraordinairement conciliant et urbain, comme un salut et un remerciement au Prince, avant cette mise en scène des adieux. Après un solo s'en vont d'abord le premier hautbois et le second cor, puis le basson, puis le second hautbois, puis le premier cor, ne laissant plus sur scène que les cordes. Puis la contrebasse s'en va, l'éclairage change, la mélodie prenant un caractère de douce sollicitation automnale, de plus en plus attristée, puis les violoncelles s'en vont puis les violons III et IV (leur partie est divisée en quatre pour tout cet épilogue). Puis a leur tour les altos, laissant seuls les violons I et II (Haydn et Tomasini) pour les 14 dernières mesures (en non pas Tomasini seul comme semble le dire Dies).
J'aimerais savoir si cette symphonie est encore jouée comme ça en concert. Est-ce que les musiciens se lèvent et s'en vont ?
Sujet: Re: Symphonie N°45 en fa dièse mineur "les adieux" Jeu 19 Juin - 21:45
La symphonie 45 en fa dièze mineur (Les Adieux), la 46 en si majeur (!!) et la 47 en sol majeur toutes trois de 1772 forment un trio très homogène. Ces symphonies, à mon humble avis, possèdent une personnalité unique, qui les différencie des autres symphonies contemporaines. Je n'arrive pas à dire laquelle est ma préférée mais la 47 ème a pour moi une signification particulière. Quand je l'écoute, je ne peux pas m'empêcher de penser à la 2ème symphonie en sol mineur d'Albert Roussel. Mêmes dynamisme, caractère ensoleillé, optimisme et profondeur.
Dernière édition par Piero1809 le Mer 18 Déc - 10:38, édité 2 fois
JPS1827
Messages : 213 Points : 81 Date d'inscription : 01/06/2008 Localisation : Bourg la Reine
Sujet: Re: Symphonie N°45 en fa dièse mineur "les adieux" Jeu 19 Juin - 23:20
Merci, j'ai écouté la 44 hier et aujourd'hui, j'attaque 46 et 47 demain (on a eu la 2ème symphonie de Roussel pour "les rois de la galette" dimanche dernier !)
Benoît
Messages : 267 Points : 230 Date d'inscription : 21/08/2007 Age : 60 Localisation : Basse-Normandie
Sujet: Re: Symphonie N°45 en fa dièse mineur "les adieux" Ven 20 Juin - 1:13
Pour la 45è ,je vous recommande :
Sur instruments anciens : 1-Solomons 2- Koopman 3-Hogwood
Sur instruments modernes : 1-Marriner 2-Dorati 3-Fischer
Dans les années 70,j' ai écouté cette symphonie en concert dans une église;sur chaque pupitre, il y avait une bougie.L' église n' était éclairée que par les lueurs de ces bougies ,ce qui donnait une atmosphère extraordinaire à ce concert. Dans le finale, chaque intrumentiste partait de son pupitre après avoir soufflé sa bougie et s' en allait en coulisses derrière l' autel,quand soudain...,vers la fin du mouvement...,dans la pénombre... l' un d' eux s' est cassé la gu****derrière l' autel en faisant évidemment un boucan du diable !!! :mdr: et a déclenché des rires dans le public;mais il a dû sûrement se faire mal.
Dans l' orchestre,il y avait une amie professeur de violon,que je connais depuis maintenant 1970 et qui me donnera plus tard des cours de violon durant 4 ans et nous parlons encore parfois de ce concert.
Elle me dit- et je la crois très volontiers- que l' exécution d' une symphonie de Haydn est très difficile,par sa mise en place,par la sollicitation permanente des cordes,par le ton juste à donner et cela beaucoup plus que pour une symphonie de Mozart :pour Mozart,on peut toujours s' en sortir;pour Haydn,le résultat est impitoyable:très facile de la rater (et pas seulement les Londoniennes). J' en vérifié cela maintes fois effectivement :rater Mozart,c'est assez rare.Rater Haydn,c' est très fréquent (moins maintenant) J' y vois une des raisons de la méconnaissance de Haydn :trop d' interprétations médiocres qui ne rendent pas justice à sa musique. C' est pourquoi je compare beaucoup de versions d' une même oeuvre :il ne faut pas se contenter d' "à peu près" :la musique du grand Joseph est toujours intelligente dans son style,sa structure et donc particulièrement exigente.
Sujet: Re: Symphonie N°45 en fa dièse mineur "les adieux" Ven 20 Juin - 21:38
Benoît a écrit:
J' ai vérifié cela maintes fois effectivement :Rater Haydn,c' est très fréquent (moins maintenant) J' y vois une des raisons de la méconnaissance de Haydn :trop d' interprétations médiocres qui ne rendent pas justice à sa musique.
Sur ce plan je ne suis pas sur la même longueur d'onde que toi.
Pour moi le musique de J. Haydn se suffit à elle-même, elle est tellement structurée, dense, polyphonique et riche qu'elle est capable de résister à une interprétation moyenne voire médiocre.
Ce n'est pas le cas de tous les compositeurs. Je peux être affreusement déçu par Beethoven ou Mahler lorsque le chef n'est pas à la hauteur.
Toutefois je rends hommage au travail splendide que tu as fourni en comparant toutes ces versions et j'en tiendrai compte si je veux acquérir une autre exécution de la 45ème que celle de Dorati.
Piero
Dernière édition par Piero1809 le Sam 11 Sep - 14:46, édité 1 fois
pianiste.2008
Messages : 98 Points : 52 Date d'inscription : 26/05/2008
Sujet: Concert viennois Ven 2 Jan - 1:08
Pour le concert du Nouvel-An 2009, Daniel Barenboim a rendu hommage à Haydn en proposant le dernier mouvement de cette symphonie. Il s'est visiblement bien amusé ! L'avez-vous vu et entendu ?
Sujet: Re: Symphonie N°45 en fa dièse mineur "les adieux" Ven 2 Jan - 11:20
Désolé mais je n'ai pas vu ce concert du Nouvel An. Comment s'est déroulé le départ des musiciens? A la fin restait-il deux violonistes ou bien un petit groupe? Amicalement Piero
Dernière édition par Piero1809 le Ven 5 Fév - 23:03, édité 1 fois
steph-w
Messages : 11 Points : 0 Date d'inscription : 12/11/2008 Age : 64 Localisation : Lille
Sujet: Re: Symphonie N°45 en fa dièse mineur "les adieux" Dim 4 Jan - 22:39
Piero1809 a écrit:
Désolé mais je n'ai pas vu ce concert du Nouvel An. Comment s'est déroulé le départ des musiciens? A la fin restait-il deux violonistes ou bien un petit groupe? Amicalement Piero
A la fin il ne restait je crois, qu'un seul violoniste, auprès duquel s'est assis Daniel Barenboim, afin d'indiquer, par le bout du doigt, où le musicien devait lire. C'était très drôle. Juste avant cette action, le chef regardait partir les musiciens et avait l'air vraiment désemparé. Un téléspectateur qui aurait allumé sa télévision à ce moment-là et s'il ne connaissait pas l'oeuvre aurait eu de quoi se poser des questions.
Sujet: Re: Symphonie N°45 en fa dièse mineur "les adieux" Lun 5 Jan - 14:26
Merci Steph-w. Votre description me fait encore plus regretter de n'avoir pas allumé mon poste ce 31 décembre. Amicalement Piero
Dernière édition par Piero1809 le Ven 5 Fév - 23:04, édité 1 fois
Haydn Administrateur
Messages : 166 Points : 86 Date d'inscription : 07/08/2007
Sujet: Re: Symphonie N°45 en fa dièse mineur "les adieux" Lun 12 Jan - 1:16
Piero, j'ai posté les extraits et mes voeux sur la session concert Ensuite, je m'en rappelle bien, il restait deux violoniste. Je peux vous dire que j'ai adoré ce Concert du Nouvel an qui m'a mis de bonne humeur et que la mise en scène m'a vraiment plu. J'ai beaucoup sourit Si les vidéos ne vous conviennent toujours pas au niveau de l'image etc. signalez-le moi et j'en chercherait d'autres de meilleurs qualité ;-)
Joachim
Messages : 664 Points : 814 Date d'inscription : 20/08/2007 Age : 78 Localisation : Nord
Sujet: Re: Symphonie N°45 en fa dièse mineur "les adieux" Dim 27 Nov - 22:42
JPS a écrit:
J'aimerais savoir si cette symphonie est encore jouée comme ça en concert. Est-ce que les musiciens se lèvent et s'en vont ?
Notre ami avait posé cette question en 2008, nous sommes en mesure de lui répondre "oui", comme en témoigne ce concert "live" où les instrumentistes s'en vont (y compris le chef) jusqu'à ce qu'il n'en reste que deux.
Par ailleurs, l'interprétation de ces jeunes est remarquable !
Sujet: Re: Symphonie N°45 en fa dièse mineur "les adieux" Lun 28 Nov - 12:11
Merci Joachim pour cette intéressante video. Belle exécution sensible. Voilà un orchestre remarquable de très jeunes musiciens. Quelle discipline! On le voit dans la précision des coups d'archets. Si l'allegro initial me semble un peu mou, l'adagio est superbement émouvant. Le menuetto est pris dans un excellent tempo de même que le finale très enlevé à son début. Le départ des musiciens est parfaitement organisé. C'est très attachant. Bravo!
Ma seule réserve (les musiciens ne sont pas en cause) c'est que cet orchestre est trop important. Trop de cordes, les deux hautbois et les deux cors sont un peu perdus. Trois contrebasses, c'est bien trop alors qu'une seule serait amplement suffisante. Deux violoncelles, deux altos, trois seconds violons et trois premiers violons et on se trouve dans l'ordre de grandeur de l'orchestre que Haydn avait à sa disposition à cette époque.
L'idéal ce serait un orchestre jouant sur instruments d'époque avec hautbois baroques et cors naturels. Mais c'est un tout autre problème car il faut pour cela une formation musicale profondément différente et un état d'esprit bien particulier.
Quelle géniale symphonie! En 1772, elle surclasse toutes les symphonies contemporaines y compris les quatre (en fa K 130, mi bémol K 132, ré 133 et la K 134 majeur) très réussies de Wolfgang Mozart composées de mai à août 1772.
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Sujet: Re: Symphonie N°45 en fa dièse mineur "les adieux"