La
symphonie n° 55 en mi bémol majeur Le Maître d'Ecole fut composée par
Joseph Haydn en 1774, année particulièrement féconde au cours de laquelle virent le jour cinq symphonies: les n° 54 en sol majeur, n° 55 en mi bémol majeur, n° 56 en ut majeur, n° 57 en ré majeur et n° 60 en ut majeur (Le Distrait). Alors que les n° 54 et 56 regardent encore vers le mouvement
Sturm und Drang (1), la n° 55 et 57 relèvent d'un esprit nouveau, déjà palpable dans mainte symphonie de 1773, dans lequel les passions, les émotions violentes, les grands gestes dramatiques sont exclus mais où règnent l'élégance, la beauté mélodique et bientôt la richesse sonore. Pour le moment l'instrumentation de la n° 55 reste encore très classique avec le quintette à cordes, deux bassons doublant la basse, deux hautbois et deux cors. Le clavecin ne semble plus figurer dans la liste des instruments.
Le rythme ¾ donne au premier mouvement
Allegro di molto une allure dansante. Le premier thème fait alterner les
tutti orchestraux avec des phrases très douces des premiers et seconds violons. Un second thème également doux n'apporte pas de contraste particulier. Par contre un troisième thème apparaît juste avant les barres de reprises. Ce thème en notes
spiccato possède une étonnante énergie latente. Si le premier thème ouvre le développement, le troisième thème va vite prendre le dessus et son énergie va se libérer: ce thème va rester cantonné aux premiers violons de manière obstinée au dessus d'un dessin syncopé des seconds violons. A noter dans ce développement une intéressante
modulation enharmonique: un ré bémol devenant un do# permettant le passage d'un accord de mi bémol majeur septième vers un accord de ré majeur, tonalité très éloignée de la tonalité principale du mouvement. La réexposition ne montre pas de grands changements par rapport à l'exposition.
C'est l'
adagio ma semplicemente (con sordini e piano) 2/4 en si bémol majeur qui donna son surnom à la symphonie. J'avoue ne pas bien comprendre ce surnom car cette musique ne m'évoque en rien un Maître d'Ecole. En tout état de cause il s'agit d'un thème varié, structure musicale particulièrement appréciée par
Joseph Haydn. Le thème, divisé en deux parties A et B chacune répétée une fois, est présenté par les cordes seules, les deux violons jouent à l'unisson
staccato et sont accompagnés très discrètement par l'alto et la basse eux-mêmes à l'unisson. Une certaine ascèse est palpable dans ce début, dépouillement présent également dans d'autres mouvements lents de symphonies contemporaines du maître. Le terme
semplice revient plusieurs fois dans la partition et on peut penser que Haydn attendait sobriété et naturel de l'exécutant dans ce mouvement. Le deuxième exposé du thème est richement ornementé et peut être considéré déjà comme une variation donnant à ce thème la structure AA1BB1. Dans la première variation qui ne s'écarte pas beaucoup du thème, les vents se joignent aux cordes et colorent agréablement l'ensemble (A2B2). La seconde variation reprend le plan de l'exposé du thème (A3A4B3B4), la partie A3 est en rythmes pointés, la partie A4 est une guirlande de triples croches. Dans la poétique troisième variation (A5B5) murmurée double piano, la mélodie s'écarte du thème initial et l'harmonisation est beaucoup plus riche. Dans la quatrième variation (A6B6), les barres de mesures ont disparu et l'attention est portée sur les appogiatures très nombreuses qui apportent une touche d'humour. Les vents se joignent encore aux cordes dans la cinquième et dernière variation que l'on peut considérer comme une coda.
Ce qui a été dit à propos du menuet de la symphonie n° 50 s'applique au menuet présent (2). Le violoncelle a le rôle principal dans le trio, il est accompagné très sobrement par les deux violons.
Dans le finale
Presto 2/4,
Haydn utilise une formule expérimentée avec brio dans les finales des symphonies n° 42, 51 et 64, celle d'un compromis entre Rondo et thème varié. Ici le résultat est particulièrement séduisant. Le thème du refrain est exposé par les cordes. Ce refrain comporte deux parties et possède indéniablement une saveur populaire. Le premier couplet est exposé par les vents seuls. Les bassons qui dans les autres mouvements doublaient la basse jouent ici un rôle très actif et les cors ne craignent pas de grimper vers les hauteurs. Le retour du refrain est en fait une variation en agiles doubles croches aux violons. Le couplet central débute piano par un rappel du thème du refrain puis éclate le
Minore en fa mineur sur un
fortissimo de tout l'orchestre, suit ensuite un long passage très modulé aboutissant à un retour du refrain assez modifié dans la tonalité très éloignée de sol bémol majeur; la longue transition amenant le retour du refrain à la tonique est tout à fait remarquable. C'est maintenant une version
agressivement populaire (3) du refrain qui est clamée
fortissimo par tout l'orchestre, le la bémol des premiers violons frotte douloureusement avec le sol des seconds violons. Dans la deuxième partie du refrain on remarque les vigoureuses syncopes et les intervalles impressionnants. Le finale se termine par un dernier retour du refrain
piano puis
pianissimo et enfin un tutti lapidaire
fortissimo.
Dans cette symphonie, Haydn expérimente des modulations nouvelles (4), inusitées, semble-t-il, dans ses symphonies précédentes.
(1)
https://haydn.aforumfree.com/generalites-f14/sturm-und-drang-orage-et-passions-t425.htm(2)
https://haydn.aforumfree.com/les-symphonies-f1/symphonie-n-50-en-ut-majeur-t458.htm(3) Expression utilisée par Marc Vignal (Joseph Haydn, Fayard, 1988).
(4)
http://imslp.info/files/imglnks/usimg/3/3e/IMSLP31343-PMLP71365-Haydn_Sinfonia_Hob_I_55__Eb.pdf