La
symphonie n° 83 en sol mineur, La Poule, date de 1785, comme deux autres symphonies Parisiennes: 85 en si bémol majeur La Reine et 87 en la majeur. Les symphonies n° 82 en ut majeur l'Ours, n° 84 en mi bémol majeur et n° 86 en ré majeur, dernières des Parisiennes, auraient été composées par
Joseph Haydn en 1786. La symphonie La Poule est écrite pour l'effectif suivant: une flûte, deux hautbois, deux bassons, deux cors et le quintette à cordes avec les altos divisés et les violoncelles divisés distinct des contrebasses, orchestration très raffinée (1). La tonalité de sol mineur règne dans le premier mouvement, toutefois le mode majeur s'installe après la réexposition jusqu'à la fin du mouvement et se maintiendra jusqu'à la fin de la symphonie.
Le premier mouvement
allegro spiritoso 4/4 débute
fortissimo par une explosion dramatique encore accentuée par les nombreux
sforzando ainsi que par l'intervalle sol do# entre la première et la troisième note du thème. Un début aussi fracassant ne peut se comparer qu'avec le début de la symphonie en fa# mineur les Adieux avec ici un mouvement encore plus symphonique comme en témoignent les mesures 12 à 16 marquées par de magnifiques oppositions vents et cordes sur un rythme pointé qui aura une grande importance tout au long du mouvement. Un second thème en si bémol majeur au rythme caractéristique apparait mesure 33 et aura aussi un grand rôle dans le développement. C'est le troisième thème en si bémol majeur qui a donné son surnom à la symphonie à cause des curieuses appogiatures dont il est hérissé évoquant le caquètement de la poule à moins que l'on y aperçoive l'aptitude de l'animal à gratter la terre. A noter le rythme pointé poursuivi par le hautbois
fortissimo au dessus du thème de la Poule
piano aux violons; ce passage d'une incroyable originalité (2) m'évoque le début de la cinquième symphonie de Beethoven où le second thème en la bémol est superposé au rythme du premier aux contrebasses.
Le développement est un des plus grandioses de Haydn dans une symphonie. Il est essentiellement construit sur la combinaison du premier thème et du second. D'abord le premier thème est aux basses tandis que le second est répété de manière obstinée par les violons, ensuite le premier thème passe aux violons tandis que le second aux basses. Les intervalles du premier thème qui avaient attiré notre attention deviennent de plus en plus osés et amènent des
dissonances audacieuses. La transition pathétique qui amène la réexposition est d'une beauté à couper le souffle (3).
L'
andante en mi bémol majeur ¾ est remarquable, hormis la noblesse de son thème initial, ainsi que de la suite du chant marqué de chromatismes, par les contrastes entre passages piano voire
pianissimo et des explosions forte voire
fortissimo de tout l'orchestre, oppositions que je trouve très théatrales. Les dix dernières mesures
pianissimo sont une merveille d'orchestration alliant vents et cordes de la manière la plus subtile (1).
Le Menuet
Allegretto en sol majeur est très dansant et le trio, un laëndler confié principalement à la flûte, particulièrement mélodieux.
Le finale
Vivace 12/8 au rythme de tarentelle est un
magnifique morceau de sonate monothématique. Wizewa et Saint Foix ont signalé la ressemblance de ce finale avec celui de la symphonie en ré majeur K1 133 de
Wolfgang Mozart (1772) (4,5). Un souffle puissant anime le finale de
Haydn et donne à la symphonie une conclusion pleine de vigueur. Pendant le développement les premiers violons répètent un motif issu du thème principal tandis que les autres cordes et les vents appuient le discours musical par de violents accords
sforzando passant par les modulations les plus variées (1).
(1) Partition consultable
http://imslp.info/files/imglnks/usimg/f/f8/IMSLP31402-PMLP61586-Haydn_Sinfonia_Hob_I_83__g.pdf(2) Antony Hodgson, The Music of Joseph Haydn: The Symphonies. London: The Tantivy Press (1976): 103.
(3) Il est possible que ce mouvement ait impressionné Mozart et inspiré le premier mouvement de la symphonie en sol mineur K1 550 et notamment son développement. En outre les tournures mélodiques de l'andante de Haydn ont, à mon humble avis, une allure mozartienne en raison de leurs chromatismes.
(4) Théodore de Wizewa et Georges de Saint Foix, W.A. Mozart, Le jeune Prodige. Tome I, Desclée de Brouwer, 1937.
(5) Ressemblances certainement fortuites car il est hautement probable qu'en 1785 les symphonies de jeunesse de Mozart étaient reléguées aux oubliettes mais qui témoignent du niveau artistique étonnant auquel s'étaient élevées les quatre symphonies K1 131 en fa, 132 en mi bémol, 133 en ré et 134 en la de Mozart.