Première des trois symphonies dites d'Ogny (n° 90 en ut majeur, n° 91 en mi bémol majeur et n° 92 en sol majeur Oxford), la symphonie n° 90 en ut majeur et les deux autres résultent d'une nouvelle commande du Concert de la Loge Olympique à Joseph Haydn. Elles parurent pour la première fois à Paris en 1790 chez Le Duc (1) mais les symphonies n° 90 et 91 étaient déjà composées en 1788. La symphonie n° 90 est écrite pour un effectif comportant le quintette à cordes, deux hautbois, une flûte, deux bassons, deux cor en do, deux trompettes et les timbales (ces deux derniers rajoutés ultérieurement). D'après EC Robbins Landon, deux cors basso doivent être employés si les trompettes et les timbales sont présentes, par contre si on choisit une orchestration sans timbales ni trompettes, il faudra utiliser des cors alto (2).
La symphonie débute par une introduction adagio dont le fortissimo initial surprend. La suite se déroule piano et donne aux deux bassons un rôle important. Le thème de L'allegro assai 4/4 avait déjà été énoncé dans l'introduction à un tempo bien plus lent. Ce thème, des notes répétées spiccato aux violons, suivies par un gruppetto possède une énergie latente non dépourvue de charme. D'emblée on remarque dans ce mouvement la beauté de l'orchestration, la nervosité des basses, l'importance des bois et les sonorités aiguës et même perçantes des cors et des trompettes. Ce mouvement est une structure sonate aérée avec un second thème bien distinct énoncé par une flûte puis par le hautbois, très simplement accompagnés par les violons, orchestration transparente soucieuse de la mise en valeur des sonorités respectives des instruments. L'exposition se termine piano par un court motif de sept notes. C'est ce motif qui initie le développement en donnant lieu à des imitations entre violons et basses. Le second thème est repris en fa majeur toujours par les bois mais c'est le premier thème qui apparait fortissimo et donne lieu à un passage contrapuntique très énergique, puissamment scandé par cors, trompettes et timbales. Lors de la réexposition on note d'abord des modulations nouvelles accompagnées de sforzandos ainsi qu'un nouveau contrechant chromatique qui en se superposant au thème initial apporte une soudaine densification du discours musical. La réexposition s'achève par le court motif de sept notes au premier violon pianissimo et un fortissimo de tout l'orchestre sur le rythme du premier thème met un point final au mouvement.
Andante en fa majeur 2/4. Ce mouvement, typique de Joseph Haydn, est un compromis entre le thème varié et le rondo. Le thème aux premiers violons doublés par un basson a un caractère populaire, il est richement harmonisé par les seconds violons. Le couplet qui suit en fa mineur, est typique des minore présents au centre de maintes symphonies de la mâturité. Les contrastes fréquents entre passages fortissimo et pianissimo accentuent son caractère dramatique. L'épisode suivant en fa majeur, est une variation lumineuse dans laquelle le thème est joué par une flûte virevoltante et accompagné par des violons staccato alors que les autres instruments se taisent. Le retour du couplet en fa mineur n'apporte pas de grands changements mis à part une harmonisation plus riche par les vents. On notera dans la seconde partie de cet épisode les dissonances entre le ré des violons et le do des basses. On revient en fa majeur avec une nouvelle variation. Le thème est maintenant confié au violoncelle solo et le premier violon solo accompagne avec des sextolets spiccato, le style est celui de la musique de chambre, du quatuor à cordes en fait car les vents se taisent. C'est enfin une merveilleuse coda qui termine ce morceau: la flûte et les autres bois s'emparent du thème tandis que le premier violon accompagne de triolets de doubles croches et les autres cordes de pizzicatos, le hautbois module en ré bémol majeur puis revient en fa, la fin pianissimo met en jeu tous les instruments de l'orchestre traités en solistes. Haydn nous ravit une fois de plus avec une orchestration à la fois transparente et subtile.
Le menuetto très développé a acquis dans cette symphonie un poids et une signification musicale comparables à ceux des autres mouvements. C'est le hautbois qui tient la vedette dans la délicieuse petite valse du trio.
Les caractéristiques que nous avons aimées dans le premier mouvement: importance et indépendance des bois, éclat des cuivres, nous les retrouvons dans le finale Allegro assai 2/4. Le thème de ce finale léger et populaire a, à mon avis, un caractère schubertien. Anthony Hodgson fait remarquer que ce thème prend toute son extension dans un magnifique tutti où le thème est clamé par les basses et les bois à l'unisson fortissimo sous les trémolos des violons (3). Ce thème alimentera tout le mouvement et en particulir le magnifique dévelopement. A noter à la fin de l'exposition l'intervention d'un rythme caractéristique au caractère quasi militaire qui se répète plusieurs fois et qui sera combiné avec le thème principal dans le développement. A la fin le thème apparaît aux violons pianissimo en ré bémol majeur et le hautbois répond avec le rythme "militaire" devenu très timide, passage d'une intense poésie aux harmonies troublantes. Ce finale se termine dans un ut majeur clairement affirmé par une combinaison du rythme militaire aux cuivres, aux timbales et aux basses fortissimo et du thème aux violons, passage grandiose rappelant la fin du finale de la symphonie n° 82 l'Ours en ut majeur également.
(1) Marc Vignal, Joseph Haydn, Fayard, 1988.
(2) E.C. Robbins Landon, Joseph Haydn Symphonies 88-92, Dover Publications, New York, 1983.
(3) Anthony Hodgson, The Music of Joseph Haydn. The Symphonies, The Tantivy Press London, 1976.
(4) Staccato, spiccato: termes violonistiques signifiant que les notes doivent être jouées détachées avec un coup d'archet spécial.