Sujet: Symphonie n° 71 en si bémol Dissonances Jeu 25 Mar - 11:15
En 1776, une seule symphonie, la n° 61 en ré majeur, est composée par Joseph Haydn. Aucune symphonie ne vit le jour en 1777 et ce n'est qu'à partir du printemps 1778 que Haydn met en chantier de nouvelles symphonies: les symphonies n° 70 en ré majeur et n° 71 en si bémol majeur, deux oeuvres à la forte personnalité, toutes les deux imprégnées d'esprit novateur et d'inventivité, suivies par les symphonies n° 53 en ré majeur Impériale, n° 63 en ut majeur dite La Roxelane, n° 75 en ré majeur, n° 62 en ré majeur et n° 74 en mi bémol majeur. Il est très probable que ces sept oeuvres furent achevées avant 1781 (1). Après une interruption de plus de trois ans, Mozart pendant ce temps recommence à écrire des symphonies: ré majeur KV 299 Paris (1778), sol majeur KV 318 et si bémol KV 319 datant toutes deux de 1779. Si les deux premières en trois mouvements ont peu de points communs avec les symphonies de Haydn contemporaines, la symphonie en si bémol KV 318 très viennoise d'allure n'est pas sans analogies avec la symphonie n° 71 en si bémol de Haydn (1).
Une introduction de quelques mesures ouvre la symphonie n° 71 en si bémol. L'allegro con brio 3/4 qui suit débute piano avec un thème d'un grand charme mélodique auquel répond un unisson de l'orchestre quelque peu menaçant qui ne laisse en rien présager la nature du second thème, une suite d'accords dissonants d'une grande audace, passage nous rappelant que la symphonie était pour Haydn le terrain privilégié d'expériences nouvelles. Le développement débute avec une formule conclusive qui terminait l'exposition, il est ensuite basé essentiellement sur le thème initial et à des fragments de ce thème. Dans la réexposition fortement modifiée, le premier thème est suivi d'un nouveau développement sur l'unisson servant de réponse à l'énoncé du thème principal. Le second thème légèrement écourté et confiné aux cordes étonne encore plus par ses suites d'accords d'une grande hardiesse.
L'adagio 2/4 consiste en variations sur un thème d'une grande beauté mélodique. Dans la seconde partie du thème, l'union des bois, des cors et des cordes produit une sonorité admirable. La première variation est une aimable broderie sur le thème. Dans la seconde variation le thème simplifié est confié à la flûte et au basson à l'octave et accompagné par les arpèges des violons, les pizzicati des basses, les tenues des hautbois. La sonorité magique de cette variation annonce un passage du deuxième finale d'Orlando Paladino. Dans la troisième variation, c'est le hautbois qui joue le thème au dessus d'un accompagnement puissant des basses en triolets de doubles croches. Une quatrième variation reprend le thème pratiquement inchangé et s'achève sur un point d'orgue et alors débute une nouvelle variation ou coda qui est une géniale extension du thème initial. Un nouveau point d'orgue et une cadence aboutissent à une conclusion très calme contrastant vivement avec les deux puissants accords terminaux.
Le menuetto est particulièrement élégant et tonique et le trio pour les cordes seules est un laendler très dansant joué essentiellement par le premier violon.
Le finale vivace 4/4 débute doucement avec une alerte mélodie syncopée. Ce thème est répété piano et est suivi d'une brillante ritournelle très virtuose des premiers violons évoquant quelque sonate pour cordes de Rossini et se terminant par un motif descendant par degrés qui jouera un rôle important dans le développement.. Un second thème léger et spirituel aux bois termine l'exposition. On a rapproché ce thème d'un épisode apparaissant également à la fin de l'exposition dans le finale de la symphonie en si bémol KV 319 de Mozart composée en 1779 (1). Le magnifique développement commence avec le thème initial présenté dans une tonalité très éloignée (ré bémol majeur) puis le motif descendant signalé plus haut fait l'objet d'imitations entre violons et basses et de modulations chromatiques provoquant d'âpres dissonances. La réexposition est très modifiée et comporte un nouveau développement sur un motif ascendant joué d'abord par le hautbois puis repris par tout l'orchestre en imitations. Une courte coda termine l'oeuvre dans un climat festif. Ce finale est remarquable par son caractère très chantant et la vigueur de ses développements.
Sujet: Re: Symphonie n° 71 en si bémol Dissonances Sam 27 Mar - 11:17
Comme vous pouvez le constater, il m'arrive de faire suivre le titre de certaines symphonies de quelques mots qui à mon humble avis en résument le contenu.
Je réalise maintenant que ce ou ces vocables censés décrire l'oeuvre peuvent être confondus avec les surnoms "officiels". Pour éviter toute confusion ces derniers seront mis entre guillemets.
La symphonie n° 71 en si bémol majeur me donne l'occasion de préciser que le vocable Dissonances accolé au titre de cette dernière n'est pas un surnom (1) mais un qualificatif qui à mes yeux caractérise le mieux les mouvements extrêmes de cette magnifique symphonie.
(1) Le surnom Les Dissonances a été déjà utilisé dans le cas du quatuor à cordes n° 19 en ut majeur KV 465 de Wolfgang Mozart.
Sujet: Re: Symphonie n° 71 en si bémol Dissonances Lun 29 Mar - 21:32
Toujours trois interprétations en lice.
Adam Fischer Orchestre de chambre austro-hongrois Antal Dorati Orchestre de chanbre de Lausanne Christopher Hogwood Academy of Ancient Music
Le plan choisi par les trois interprètes manifeste de grandes différences que nous verrons en comparant chaque mouvement:
Premier mouvement. Beaucoup de charme dans les trois versions mais Adam Fischer donne aux dissonances du second thème le plus de mystère et d'intensité. Fischer et Dorati font la reprise de l'exposition, Hogwood fait les reprises de l'exposition et de la 2ème partie à partir du développement ce qui augmente la durée de 33% environ. Je n'aime pas car cela casse la progression dramatique.
Deuxième mouvement. Grosses différences entre Fischer et Dorati d'une part et Hogwood d'autre part. Ce dernier fait toutes les reprises de chaque variation ce qui double la durée du mouvement. Avec Fischer l'intéraction entre les cordes, les bois et les cors est la plus harmonieuse.
Menuetto et trio. Avantage à Fischer qui comme à son habitude oppose les tutti à des passages en quatuor , procédé qui convient particulièrement à ce menuet. Hogwood fait toutes les reprises y compris après le trio ce qui alourdit ce mouvement.
Finale. Avantage à Dorati qui donne au développement remarquable la plus grande puissance. Les violons "rossiniens" du troisième thème thème sont particulièrement agiles avec Dorati. Hogwood fait encore toutes les reprises, au risque d'alourdir ce mouvement aérien et spirituel.
Conclusion. Trois versions de très haut niveau mais je préfère Adam Fischer.
Finale.
Joachim
Messages : 664 Points : 814 Date d'inscription : 20/08/2007 Age : 78 Localisation : Nord
Sujet: Re: Symphonie n° 71 en si bémol Dissonances Mar 30 Mar - 20:30
Il est de fait que certains chefs adorent effectuer les reprises et les "da capo".
J'ai ainsi déjà écouté, de Mozart, une symphonie 38 "Prague" de 3/4 d'heure (au lieu de 25 minutes) et une Petite musique de nuit d'une demi heure !
Moi non plus je n'aime pas cela...
Cette symphonie 71 par Fischer (qui fait partie de l'intégrale), je vais essayer de prendre le temps de la réécouter pour en parler.
Mandryka
Messages : 11 Points : 11 Date d'inscription : 09/07/2009
Sujet: Re: Symphonie n° 71 en si bémol Dissonances Sam 3 Avr - 15:29
Voici mon modeste commentaire : Je trouve le premier mouvement extrêmement singulier avec ce mélange de mystère, d'élan et de hardiesse...et l'adagio est vraiment d'une poésie ineffable ! Je ne cesse d'écouter cette symphonie dans l'interprétation d'Hogwood et plus particulièrement cet adagio...tout simplement splendide...ce morceau me paraît tout à fait insaisissable, je ne sais comment exprimer plus clairement mon sentiment...le menuet est très plaisant, j'aime beaucoup le "deuxième thème" ainsi que le trio...quant au finale c'est à n'en pas douter un finale à la Haydn : le charme, la fougue, ce discours qui se renouvelle sans cesse, ces petites suprises...géniale symphonie !
Sujet: Re: Symphonie n° 71 en si bémol Dissonances Dim 4 Avr - 21:26
Merci Mandryka pour ce commentaire pénétrant.
Je suis tout à fait d'accord avec vous. Cette symphonie fait aussi partie de mes préférées.
Alors que si bémol majeur me semble une tonalité plutôt neutre chez W. Mozart, les oeuvres de J. Haydn écrites dans cette tonalité et tout particulièrement ses symphonies ont un cachet spécifique fait de charme mélodique et d'élégance qui les rendent très attachantes.
Mandryka
Messages : 11 Points : 11 Date d'inscription : 09/07/2009
Sujet: Re: Symphonie n° 71 en si bémol Dissonances Lun 5 Avr - 21:06
Je découvre peu à peu les symphonies de Haydn grâce à vous et aux autres co-listiers de ce forum, même si parfois je manque un peu de temps pour ça...parfois je prends une symphonie au hasard et je lis les commentaires à son sujet, j'aimerai parfois donner plus souvent mes impressions mais faire remonter un topic juste pour quelques lignes c'est un peu trop ! Enfin je viens de rentrer chez moi et je réécoute à nouveau le premier mouvement...toujours aussi splendide et singulier...et le développement est vraiment admirable. Décidemment plus j'écoute cette oeuvre plus j'y prends plaisir. Pour l'instant j'en reste à Hogwood qui me convient parfaitement mais il faudra que je me donne l'occasion d'entendre la version de Fischer. Merci de votre remarque d'un grand intérêt concernant cette tonalité de si bémol chez Mozart et Haydn, je vais essayer de repérer les symphonies de ce dernier écrites dans ce ton .
Sujet: Re: Symphonie n° 71 en si bémol Dissonances Ven 9 Avr - 10:10
Mandryka a écrit:
Pour l'instant j'en reste à Hogwood qui me convient parfaitement mais il faudra que je me donne l'occasion d'entendre la version de Fischer
Je suis frappé de lire des commentaires défavorables concernant Adam Fischer. Certains le trouvent ennuyeux et là je ne comprends plus car Fischer fait le maximum pour varier les sonorités et les instrumentations quand la partition le permet. Par exemple le fait d'opposer les tutti avec des passages réservés au quatuor à cordes est une initiative très heureuse. De plus ses bois ont une sonorité exceptionnelle. Son seul défaut: les cors qui ont tendance à cuivrer de manière incongrue!
Hogwood est généralement le plus équilibré. Les instruments anciens donnent aussi un cachet d'authenticité très appréciable dans les symphonies antérieures aux Parisiennes.
Elle m'apparaît, grâce au génie intuitif de ce compositeur comme une quintessence des symphonies en si bémol n° 71 et n° 33 de Joseph Haydn et Wolfgang Mozart. Basée sur la beauté mélodique et l'élégance, elle évoque encore l'Ancien Régime mais Schubert est déjà tout entier dans de divines modulations qui ouvrent des horizons nouveaux.
Sujet: Re: Symphonie n° 71 en si bémol Dissonances Lun 23 Sep - 10:50
La symphonie n° 71 en si bémol majeur est rarement programmée. En voici une interprétation sur instruments d'époque par l'orchestre Libera musica que je trouve remarquable. Les instrumentistes rendent justice à un 4ème mouvement vraiment débridé comme il se doit.
Contenu sponsorisé
Sujet: Re: Symphonie n° 71 en si bémol Dissonances